Le feu s'était terni, presque totalement consumé. Seul la lune éclairait la petite pièce, laissant son halo bleuté traverser la pièce. Allongée sur le sol, Aliénor avait succombé à discuter avec le soldat, les dessins éparpillés sur le vieux parquet.
— Elle vous fait donc les carnets moins chers ? Demande Ben avec un rictus. Si j'ai besoin je vous demanderai.
— Gardez celui de mon frère. Le blond fronça les sourcils, ne comprenant pas son geste.
— Mais... c'est le carnet de votre frère, je ne peux pas prendre ça.
— Pourquoi donc ? Il ne reviendra jamais. Gardez-le, il sera mieux entretenu que par cette poussière et ces acariens.
— Non, il sera taché de sang et troué par une balle.
Aliénor fronça les sourcils, confuse par sa phrase pourtant si évidente. Ben fit un petit sourire et dit.
— Je vous ai dit que j'allais mourir Luna.
Un silence s'abattu. Malheureusement pour eux deux, le feu de cheminée avait délaissé ses bruits de crépitement, faisant durer le silence.
— Pourquoi avoir été dans l'armée, si c'est pour que vous me répétiez sans cesse que vous aurez préféré être à ma place, en tant que spectateur ? Demanda Aliénor dans un élan de courage. Ben releva le regard vers elle, observant ses traits dans l'obscurité.
— Je voulais partir. Finit-il par avouer.
Aliénor attendit plus de réponse de sa part.
Ben sourit, et dit.
— Je... n'ai jamais été très riche. Le garçon regardait le visage intéressé de la jeune femme. Elle semblait attentive, et le jugement était transparent sur son visage légèrement fatigué. Il poursuivit, se sentant confiant.
— Mes parents ont divorcés lorsque j'étais enfant. Et mon père avait accepté que je reste. Mes revenus peu concluants servaient à payer mon père, pour m'héberger, et le reste... à l'hôpital.
— Pourquoi donc ?
— On m'a déclaré un diabète lorsque j'étais adolescent... je payais pour mon insuline, et je restais en vie. Mais jusque-là, je n'ai jamais eu vraiment de vie seul. De femme. Qui voudrait d'un homme malade comme mari ? Ricane-t-il amèrement.
— Et votre diabète ne vous a pas empêché d'être soldat ?
— Non. Au États-Unis, le diabète n'est pas un obstacle. Bien qu'on vous pousse à bout. Personnellement, j'ai tenu. J'évite simplement de le dire, et je fais les soins en discrétion. Je me rappelle, le jour où je suis allé déposer mon dossier, le médecin m'avait regardé de haut en bas, et a quand même tamponné mon dossier. J'ai de la chance mon diabète n'est pas aussi avancer qu'on l'aurait cru.
— Mais pourquoi ne pas être resté ? Aux États-Unis ? Ben sourit naïvement.
— En revenant de guerre en Europe, j'aurais reçu une médaille. J'aurais été décoré et mes soins auraient été pris en charge... Enfin, il aurait fallu gagner la guerre.
— Donc si je comprends bien, vous vous êtes engagé dans le simple but d'être assuré médicalement ? Demande la jeune fille surprise. Ben appuya.
— L'argent gagné aurait été versé à ma mère et les études de ma petite sœur. Enfin, ma demi-sœur.
— Comment s'appelle-t-elle ? Demande Ali curieuse.
— Jane. Elle ressemble beaucoup à mon père, et à moi. J'en avais toujours voulu à mon père de s'être remarié après avec cette... odieuse femme. Mais Jane n'y est pour rien. Ce n'est qu'une... gosse impliqué dans les problèmes de grand. Mon père refusait que j'entre dans l'armée.
VOUS LISEZ
L'homme qui a fait pleurer la Lune
RomanceEn 1944, alors que la France vit ses dernières heures sous l'occupation nazie, Aliénor Denis mène une double vie. Sous le nom de code Luna, elle fait partie de la Résistance active, œuvrant en secret pour libérer Paris des forces allemandes. Courage...