Prologue

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« 6 juin 1944,
Plage de Normandie, France

J'en avais la nausée.

Le bateau bougeait trop, les fesses de Will ne faisaient que se frotter à mon crâne. J'étais assis, regardant le ciel grisâtre annoncer la pluie. Je patientais, et c'était le plus dure à faire. Attendre. Attendre d'arriver sur la plage. Attendre que l'eau s'infiltre dans nos vêtements. Attendre qu'elle alourdisse encore plus notre poids et celui de notre équipement. Des gens allaient mourir et je le savais. Que pourrais-je faire ?

J'ai peur.

J'ai peur.

                                                              Peur ?

Peur de mourir. Peur de perdre. Pas de perdre la guerre, mais les perdre eux. Will, Stiles et Smith. Davis et les autres. Lorsque les vagues annonçaient notre arrivée sur la plage en éclaboussant la plupart des parois du bateau, un autre accueil fut de la partie.

Des balles.

Des milliers de balles s'abattaient contre le bateau de débarquement. J'entendais des gens hurler, tomber, pleurer. Le gars devant moi, qui lui était debout, ne fut pas épargné. Son corps s'écrasait contre le mien, et l'odeur était intenable. J'avais essayé de le pousser, et j'entendais une voix m'appeler. Je sais que c'était probablement Smith ou Will, mais mon esprit était déjà trop occupé à me débarrasser du corps de mon camarade déjà mort. J'avais plongé dans l'eau glacée.

Mon corps s'était alourdi, comme je l'avais prédit. Mon crâne avait heurté, non pas les fesses de Will, mais un rocher mal placé. En reprenant mes esprits et en sortant la tête de l'eau, une chose m'avait frappé. La couleur. Rouge. Un rouge pourpre écœurant. Une odeur de sel mélangé avec une odeur métallique. Celle du sang. Mais une autre chose avait attiré mon attention.

Lorsque je la vis, c'était comme si tout était au ralenti. Jane. Ma sœur était sur cette plage. Elle souriait de toutes ses dents. Son visage était entouré de ses cheveux blond doré. Et ses yeux bleus ressortaient au loin. Mais trop loin pour les distinguer dans la vie réelle. Il faut que je me réveille. Son visage s'approchait de plus en plus, elle entra dans l'eau, et se mit face à moi.

« Il faut que tu bouges Turner ! » Articule ma sœur.

Turner ? Depuis quand Jane m'appelait ainsi ?

Jamais. Car ce n'était pas Jane.

Mais c'était bien moi, sur cette plage, à fixer un soldat allié que je confondais en ma sœur. C'était moi, sur cette plage, à attendre désespérément que l'eau reprenne de sa couleur. C'était bien moi, ce 6 juin 1944, à débarquer non pas pour des vacances, mais pour faire la guerre en France.

L'homme qui a fait pleurer la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant