Chapitre 14

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21 août 1944

Paris, France

Renfilant l'entièreté de sa combinaison sous la chaleur pesante d'aout, ces petits jours de repos en attendant que les batailles reprennent avaient aidé le groupe de jeune soldat. Ben avait été appelé pour aller rapidement soutenir quelque forces résistantes dans le sud de Paris. Will et lui avait été envoyé. Il réajusta son brelage qui soutenait son porte-chargeur.

— Alors, tu pars ? Combien de temps ?

Il se retourna, Aliénor était dans l'embrasure de la porte, attendant une réponse. Elle ne semblait pas enjouée à ce qu'il parte, mais tenta de le cacher.

— Pas très longtemps. Je reviens sûrement demain. Ne t'en fais pas, j'ai vécu pire... plaisante-t-il.

Elle hocha la tête calmement, puis marcha vers lui d'un air neutre. Elle l'aida à resserrer son brelage et sourit une fois fini. Il la remercia silencieusement.

— Évite de mourir. S'il te plait. J'ai besoin de quelqu'un qui connait la langue des boches. Elle appuya sur ses pieds, collant sa bouche contre sa joue. Il resta immobile, fixant un point imaginaire derrière elle. Elle venait vraiment de faire ce qu'il pensait ?

— Aller. Pars... Smith va rejeter tes affaires par la fenêtre sinon. Il remit les pieds sur terre, baissant la tête pour regarder le visage de la jeune femme. Elle lui fit un maigre sourire avant de s'éloigner, et de sortir de la pièce. Laissant donc le GI complètement perdu. Ce n'est qu'après quelques minutes qu'il se décida enfin à bouger. Il descendit les escaliers rapidement, n'oubliant pas le flacon d'insuline que Luna lui avait ramené.

Il fixa Will au loin et dit.

— On part ?

— Un camion va nous emmener. Montes dans le camion avec nous, Stiles s'est rajouté finalement. Dit Will en montant dans le camion.

Quelques résistants français, ainsi que le SOE s'était rajouté à la partie. Faisant un beau groupe de main d'œuvre dans le camion, en espérant que les boches ne comprennent pas tout de suite. Un énorme signe nazi était inscrit sur les parois du camion, camouflant les personnes à l'intérieur. Ben regardait par la petite fenêtre le dehors et l'ambiance morbide qui s'y échappait. Le bruit de la vie dehors créait un brouhaha, habituellement camouflé par les murs de ce grenier, dans un des nombreux bâtiments haussmanniens qui structuraient la ville entière. Le vrombissement des moteurs signifiait qu'ils étaient en plein trafic sur l'autoroute, menant jusqu'à Paris Sud. Will regardait son ami d'un œil protecteur, et demanda avec un large sourire compatissant.

— Tu as tout ce qu'il te faut ? Ben fixa son ami et dit en baissant le regard sur son arme.

— Pas la peine de me prendre par pitié, Hoffmann.

— Je ne te prends pas par pitié, imbécile. Je veux simplement savoir si ça va ?

— Comme un homme qui part en guerre. Tu le sais, je ne veux pas de charité.

Will s'affalât contre le dossier du camion et dit en plaisantant.

— Pourtant, sa charité à elle, tu le prends volontiers. — Sa charité est différente. Et puis je n'en veux même pas, elle m'oblige à le prendre. Nuance.

Will rit, s'octroyant par la suite un moment calme, à écouter le bruit robotique du camion. Ben lui sortait son carnet, écrivant et dessinant. Un énième portrait d'elle. Il finira par être ressemblant à la perfection. Parfois, lorsqu'il n'a pas de modèle, il se surprit à ne pas trouver le dessin parfait. Les détails n'y étaient pas. Alors, il recommençait afin d'avoir le portrait le plus authentique à ses yeux. L'authenticité n'avait jamais été un obstacle à ses dessins. Souvent, il s'inspirait purement des traits des gens pour créer, et sortir une femme ou un homme de son imaginaire. Mais elle, il fallait que ce soit authentique. Pour que la personne qui découvrira le livre plus tard puisse se rendre compte l'aveuglement monstrueux du soldat. Une affection qu'il tente de cacher. Il s'était demandé à lui-même de ne pas l'apprécier, puis a appris à la connaître. Son histoire l'intrigue... Mais était-ce de l'attirance ? Ou simplement le désir d'en savoir plus sur elle, sur son passé, sur sa vie entière. Son prénom, il n'avait toujours pas pu lui donner de prénom. Il commençait à s'attacher à une personne, et il ne savait rien d'elle. Luna, Lune en latin, et Moon en anglais. Toutes les traductions lui sciaient. Que ce soit son prénom, qu'il se surprenait à imaginer la nuit. Lina ? S'appelle-t-elle peut être réellement Vera ? Lily ? Sophie ? Juliette ? Jane ? Marie ? Anne ?

L'homme qui a fait pleurer la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant