« Soirée du 5 novembre 1944,
Escaut, Pays-Bas
Davis nous a dit que le général nous a demandé de retourner vers l'est, abandonnant l'Escaut aux canadiens. J'ai l'impression de n'avoir rien fait d'important, de changeant. Certes, nous avons aidé à percer la poche de Breskens, mais à part ça, tout ce que je retiens, c'est la mort de Coline. Will ne parle plus. Depuis que Coline avait lâché sa main, il est devenu subitement muet. Ses blagues me cassaient la tête, maintenant, elles me manquent. Ces foutus boches nous auront tout pris. Coline était trop bien pour ce monde, je pense... peut-être que là où elle est, elle est en paix ? Mais qu'est-ce qu'est la paix finalement... J'ai abandonné cette paix le jour où je me suis rendu dans ce centre de recrutement, avec cette affiche horrible de l'oncle Sam.
« I want you for the US Army! ».
Quelle connerie.
Maintenant que j'y suis, je n'arrête pas de voir cette affiche en boucle dans ma tête.
Propagande de merde.
Ben »
17 novembre 1944,Alsace, France
Treize jours qu'elle est morte. Aliénor faisait son deuil petit à petit, contrairement à Will qui ne voulait pas passer à autre chose. Ben tentait de lui changer les idées, même Smith avait arrêté de le coller aux basques. Ce qui était une première depuis la campagne de Tunisie en 1943. Il avait essayé de sa mettre à sa place, tout en tentant de ne pas le ménager. Dans un camion, assise, Aliénor reniflait le treillis sale qu'elle portait.
— On s'arrête pour bivouaquer avant la nuit ? Demande-t-elle à l'intention du conducteur.
Harris répondit avant le lieutenant Davis.
— Le lieutenant et le Sergent ont dit qu'on devait avancer au moins jusqu'à Cirey.
— Dans combien de temps arriverons-nous ?
— Avant la nuit, je l'espère. Déclare Davis en regardant les champs étrangement calmes.
C'est étrange de voir à quel point la guerre n'a toujours pas touché cette partie-là, pourtant bien entamée par les bombardements. Le destin l'aurait-elle épargné ? Comme elle a épargné les bois des Plugstreet en 1918. Tout dépend du terme épargné après tout... Les corps jonchaient les violettes de ces bois, cachant leurs couleurs lilas pour une couleur pourpre. La route était d'un silence toujours aussi glacial. Un silence qui commençait à être l'habitude des soldats. Un nom avait été attribué à la petite escouade d'Aliénor. L'escouade Lune.
Lorsque Aliénor avait entendu ce nom pour la toute première fois, elle avait ri. Oui, rit. Ben, lui, avait l'habitude des noms étranges pour des compagnies, ou bien même des missions. La nuit arrivait malheureusement plus tôt que prévu, et le Lieutenant Davis et les autres prirent la décision de rester camper pour la nuit, repartant aussitôt avant que le jour ne se lève.
— Déplace ça... James fera de la nourriture pour ce soir.
Tout le monde s'attelait à sa tâche, prenant à cœur chaque chose. Ben lui, après avoir fini de nettoyer ses armes et ranger son barda dans sa tente, il regarda l'horizon, à la quête de la jeune femme. Le désir de se changer les idées persistait. Il chercha dans le début de foret, pensant trouver la jeune femme. Mais il trouva autre chose. Une petite maison, abandonnée au vu de son état. Il vit la silhouette féminine de la jeune brune rentrer dans la bâtisse, pointant son arme au cas où l'ennemi s'y cacherait. Ben, lui, avança discrètement, un sourire aux lèvres. Elle ne se doutait de rien, pénétrant le plus possible dans la maison. Ben, regarda furtivement son doigt et vit qu'il n'était pas sur la gâchette. Il pouvait donc se permettre de lui faire peur. Il attrapa la jeune femme et la plaqua contre le mur. Elle lâcha un petit cri surpris, effrayée. Elle fixa le jeune homme, une main scotchée sur sa bouche. Ben éclate de rire.
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L'homme qui a fait pleurer la Lune
RomanceEn 1944, alors que la France vit ses dernières heures sous l'occupation nazie, Aliénor Denis mène une double vie. Sous le nom de code Luna, elle fait partie de la Résistance active, œuvrant en secret pour libérer Paris des forces allemandes. Courage...