L'Éveil des Chimères (Terminé)

Chapitre 2 - Insurrection

Au dernier niveau du palais impérial, juste sous les toits, se trouvait une pièce sombre et tout en longueur. Au fond, à demi dissimulé dans la pénombre, un homme assis à un bureau prenait des notes à l'aide d'une plume blanche, éclairé par la flamme dansante d'une bougie. Une longue chevelure noire descendait en cascade sur ses épaules, donnant à sa stature large un aspect encore plus impressionnant.

A l'autre bout de la pièce, la porte s'entrouvrit dans un léger grincement. Un vieillard à la barbe grise foisonnante s'avança, tête basse, exprimant déférence et humilité.

— Votre majesté impériale, salua l'intrus en s'inclinant aussi bas que son vieux dos le lui permettait. Vous m'avez fait demander ?

— Oui professeur, approchez.

Sans oser affronter le regard de son empereur, le vieillard s'avança au centre de la pièce obscure. Il se doutait de la raison de sa convocation et craignait par avance la réaction que sa réponse allait susciter.

La silhouette charismatique reposa sa plume avant de se redresser, emplissant l'espace d'une autorité naturelle à faire frissonner les plus téméraires. Le timbre grave de sa voix avait quelque chose de fascinant malgré la crainte qu'il inspirait.

— Je veux savoir si vos leçons portent leurs fruits. Faites-moi votre rapport. Ma fille fait-elle des progrès dans la maîtrise de son pouvoir ?

— Malheureusement... hésita le professeur mis sur la sellette.

L'empereur Toa grogna et croisa les bras sur sa poitrine en attendant la suite.

— La princesse Satine est pleine de bonne volonté, mais je n'ai noté aucun progrès. Au contraire, le pouvoir des chimères semble si profondément endormi que je commence à douter qu'elle en soit réellement porteuse...

— Comment oses-tu proférer de telles inepties, vieil homme ? Imagines-tu la calamité que ce serait pour l'empire si tu disais la vérité ?

— Je sais bien, votre majesté. Cependant, il faut se rendre à l'évidence, cela fait des années que le pouvoir ne s'est manifesté de quelque manière que ce soit...

— Il faut pourtant qu'elle progresse ! s'emporta l'empereur en frappant du poing sur son bureau. Si tu n'es pas capable d'accomplir ton devoir, je te renverrai au temple d'où tu viens et demanderai qu'on te remplace !

— Je me plierai à votre volonté, votre majesté, se résigna le vieux professeur en s'inclinant une nouvelle fois. Mais les meilleurs prêtres du temple sont déjà venus me prêter main forte au fil des saisons, le problème ne vient pas de l'enseignement dispensé...

Le sous-entendu énerva l'empereur plus que de raison.

— Les ennemis sont à nos portes, les espions déjà dans nos rangs ! éructa-t-il. Si le bruit se répand que la princesse ne possède pas réellement le pouvoir des chimères, c'en sera fini de la dynastie Toa, et peut-être bien de l'empire lui-même ! Alors tiens ta langue vieille carne, sinon je t'enverrai au cachot pour trahison !

Cette fois, le professeur plia ses genoux pleins d'arthrose pour se courber si bas que son nez rencontra le parquet en bois. Il ne fallait reculer devant aucune manifestation de soumission servile pour défendre sa vie et sa liberté.

— Hors de ma vue ! le congédia l'empereur en se laissant retomber sur sa chaise, épuisé tant par son coup de colère explosif que par le poids des responsabilités qui pesaient sur ses épaules.