Chapitre 27 - Traqués

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— Osaki, debout.

La générale se leva en poussant Taïk sur le côté. Elle avait l'air inquiète.

— J'ai entendu du bruit, quelqu'un se rapproche, expliqua-t-elle. Vous êtes en état de grimper à un arbre pour qu'on se cache dans les branchages ?

Le lieutenant acquiesça. La nuit avait été courte mais le sommeil réparateur, il ne dormait jamais aussi bien qu'à proximité de sa supérieure. Ses genoux craquèrent quand il se redressa et il vacilla quelques secondes, déséquilibré.

Sans perdre de temps, les fugitifs repérèrent un gros arbre avec de nombreuses branches solides et Saya y grimpa la première pour ouvrir la voie. Depuis les hauteurs, elle distinguait deux hommes à cheval au loin ; ils n'avançaient pas tout à fait dans leur direction, avec un peu de chance ils passeraient leur chemin sans les voir.

Taïk dut fournir un effort intense pour arriver à mi-hauteur du tronc, ses blessures en contact rapproché avec l'écorce le faisaient terriblement souffrir mais il serrait les dents afin de garder le silence. Il tendit le bras droit pour attraper une branche au-dessus de lui lorsqu'une crampe foudroyante se propagea de son épaule jusqu'à sa poitrine en lui arrachant un bref cri de douleur.

Alertée, Saya se pencha et lui tendit la main pour l'aider. Il tenta de relever le bras vers elle mais la douleur s'intensifia encore, comme des décharges électriques qui traversaient son thorax, et il perdit l'équilibre en basculant d'un coup en arrière. La chute ne passa pas inaperçue et les deux cavaliers en prospection se dirigèrent aussitôt vers eux.

Le temps que Taïk se relève, les deux hommes étaient presque sur lui, il reconnut deux des soldats impériaux qui l'avaient molesté au temple. A ce stade, il était inutile de fuir.

— Regardez qui voilà ! s'exclama l'un des hommes en faisant ralentir son cheval à l'approche du lieutenant tandis que celui-ci attendait calmement l'inévitable, les mains levées en signe de reddition.

Lorsque le premier soldat passa juste sous sa branche, Saya se laissa tomber sur lui et le désarçonna, prenant aussitôt sa place sur le cheval. Puis elle dégaina son épée pour contrer l'attaque du second cavalier à sa hauteur. Dans le même temps, Taïk se précipita sur le soldat tombé à terre et lui planta sa dague en pleine poitrine, le neutralisant sans perdre une minute. Il récupéra ensuite l'épée de sa victime et se jeta, lame en avant, dans les pattes du cheval ennemi. L'animal se cabra, faisant chuter son maître déjà blessé à l'abdomen par l'épée de Saya. L'homme ne se releva pas, la tête posée au milieu d'une petite flaque de sang.

Saya flatta l'encolure de son nouveau cheval, l'autre bête s'était enfuie mais une seule monture serait suffisante pour finir leur voyage jusqu'aux sources de Warma. Ils avaient également gagné deux longues et chaudes capes dont les soldats n'auraient plus besoin, un petit luxe qu'ils sauraient apprécier à sa juste valeur après avoir passé une nuit en simple chemise dans la forêt. De plus, leur équipement était à nouveau complet, une dague et une épée chacun pour être paré à toute mauvaise rencontre. Du haut de son cheval, Saya tendit la main au lieutenant avec un petit sourire impertinent :

— Allez princesse, montez derrière moi.

— Oh je vois qu'un peu de castagne de bon matin vous met d'humeur taquine, constata le jeune homme en acceptant la main tendue. Ça me plaît.

En s'aidant de son bras valide, il s'installa derrière la jeune femme et posa les mains sur ses hanches.

— Plus haut les mains, conseilla-t-elle tout en faisant avancer le cheval au pas.

Taïk fit doucement glisser ses doigts plus haut sur son buste.

— Pas si haut, le corrigea-t-elle en ajoutant un petit coup de coude léger en arrière.

— Vous êtes difficile à satisfaire, ma générale.

— Je ne vous le fais pas dire, confirma-t-elle.

— La prochaine fois c'est moi qui monterai devant, comme ça vous pourrez vous agripper à moi comme il vous plaira.

Le lieutenant laissa tomber son front contre le dos de la jeune femme dans une vaine tentative pour cacher sa honte, le double sens un peu grivois de cette dernière phrase avait échappé à son attention. Saya ne répondit pas, ses joues avaient rosies et elle ne pouvait pas exclure un petit tressaillement dans la voix si elle disait quelque chose maintenant.

Il était grand temps qu'ils retrouvent la princesse, la générale se rendait compte qu'elle se laissait bien trop facilement distraire par son subalterne lorsqu'elle se retrouvait seule avec lui. D'une façon assez ironique, elle avait l'impression d'avoir troqué son rôle de chaperonne pour celui de la demoiselle à défendre depuis qu'ils avaient quitté l'empire millénaire. Elle trouvait cette situation totalement irrationnelle.



L'Éveil des Chimères (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant