L'Éveil des Chimères (Terminé)

Chapitre 4 - Un abri pour la nuit

Le lieutenant s'était débarrassé assez rapidement de son assaillant, ne gardant en souvenir de cet échange qu'un petit goût de sang sur la lèvre inférieure. Il cracha au sol et partit dans la direction prise par ses deux camarades. Toutefois, il dut vite se rendre à l'évidence, il avait perdu leur trace.

Il s'arrêta un instant pour examiner les alentours quand quelque chose le tira en arrière d'un coup sec. Avant d'avoir le temps de comprendre quoi que ce soit, il se retrouva les fesses par terre au milieu d'une salle sombre, cerné par deux silhouettes. A son grand soulagement, les bottes reconnaissables de la générale D'Alma se présentèrent devant lui juste avant que Satine ne se jette à son cou et le serre de toutes ses petites forces.

— Taïk ! s'écria la princesse. J'ai eu si peur pour toi !

— Ça va, ça va, je n'ai rien, la rassura-t-il en se relevant et en se dégageant gentiment de son étreinte.

— J'ai cru que Saya allait t'abandonner ! gémit-elle en se blottissant contre l'épaule du jeune homme malgré ses tentatives maladroites pour l'écarter.

— Mais non voyons, la générale n'aurait pas fait ça...

En réalité, Taïk avait dit ça dans le seul but de rassurer la princesse. Il pensait au contraire la générale parfaitement capable de l'abandonner sans un regard en arrière si le succès de la mission en dépendait ; ce que la principale concernée semblait confirmer de son regard élusif. C'était certain, la jeune altesse impériale était entre de bonnes mains avec une personne aussi intransigeante que Saya D'Alma.

A cet instant, une porte grinça au fond de la salle et une petite dame d'âge mûr passa la tête par l'entrebâillement.

— Saya, c'est bien toi ? demanda-t-elle en s'avançant dans la pièce d'un pas prudent, suivie de près par son époux encore plus réservé.

— Madame Dasso ! s'enthousiasma la générale en rejoignant sans tarder la petite dame pour l'enlacer avec chaleur.

Dans un même élan d'affection rassurante, elle tapota l'épaule du mari inquiet juste à côté. Le petit groupe faisait l'impression d'une famille réunie après une longue séparation, pourtant ils ne partageaient aucun trait physique commun. Le couple, qu'on devinait blond malgré un grand nombre de cheveux gris, semblait originaire de l'extrême nord de l'empire ; tandis que Saya, avec sa chevelure brune et ses yeux en amande, présentait les caractéristiques typiques de la région centrale. 

— Tu sais ce qui se passe là dehors ? s'inquiéta la femme en s'agrippant aux mains de la générale. On dirait la fin du monde.

— Le palais a été envahi, comme toute la ville d'ailleurs, mais je ne sais rien de plus, déplora Saya. Si l'empereur Toa chute, nous pouvons nous attendre à des jours difficiles.

Un silence pesant suivit ces paroles alarmistes. Il fallait pourtant être réaliste, les rues étaient submergées par des ennemis non identifiés et le palais à la merci des assaillants trop nombreux. Après cette nuit, Bastis et l'empire millénaire ne seraient plus jamais les mêmes.

Alors qu'un certain malaise s'installait, monsieur Dasso plissa les yeux pour mieux distinguer la frêle silhouette inconnue derrière Saya.

— C'est... C'est... bégaya-t-il en reculant d'effroi.

La générale jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et comprit tout de suite quelle était la source de cet émoi.

— En effet, je suis accompagnée de la princesse impériale, confirma-t-elle.

Le couple s'agenouilla dans la précipitation, s'inclinant jusqu'au ras du sol. Satine s'avança alors et leur prit les mains pour les encourager à se relever.