Taïk ne croisa pas Satine le lendemain matin. Elle était sans doute sortie tôt alors que lui s'était réveillé tard après avoir souffert d'insomnie. Il espérait qu'elle resterait prudente, quoiqu'elle soit en train de faire. Mamie Yona lui prépara un petit déjeuner bien trop copieux pour lui tout seul, elle culpabilisait de le voir souffrir après avoir coupé tout son bois. Elle l'aida ensuite à bander son épaule, le bras en écharpe pour limiter ses mouvements pendant les quelques jours de repos nécessaires. Il avait horreur de se sentir diminué de la sorte mais mamie Yona ne lui avait pas vraiment laissé le choix, elle était si adorable qu'on ne pouvait rien lui refuser.
Il quitta ensuite la maison, à la recherche de sa sœur. En général, la jeune fille consacrait une partie de la matinée à son entraînement. Taïk avait vu juste et retrouva les deux combattantes en pleine séance dans une petite zone dégagée au cœur de la forêt. Elles interrompirent leur activité en le voyant arriver et Satine détourna le regard, toujours fâchée.
— C'est le moment de lui dire ce que vous avez sur le cœur, l'encouragea Saya. Profitez-en maintenant qu'il est sans défense.
La princesse jeta un coup d'œil au bras bandé de son frère puis adressa un sourire amusé à la générale. Elle décida finalement de s'approcher du lieutenant, la mine boudeuse.
— Tu ne me fais pas confiance, reprocha-t-elle de but en blanc.
— Ce n'est pas ça, la détrompa-t-il. Tu ne connais pas les dangers de ce monde, je veux te protéger.
— Et comment veux-tu que j'apprenne à connaître le monde si tu m'empêches d'y participer ?
— Je ne cherche pas à t'en empêcher. Ce n'est juste pas le bon moment...
— Pourquoi j'ai l'impression que ça ne sera jamais le bon moment ?
Taïk ne sut que répondre, il chercha un peu de soutien dans le regard encourageant de Saya.
— Je veux seulement que tu sois en sécurité, finit-il par dire en essayant de lui prendre la main.
Elle retira vivement sa main en reculant d'un pas.
— Tu es comme tous ces prêtres et ces professeurs qui ont gravité autour de moi depuis l'enfance. Vous voulez tous me garder sous contrôle, faible et ignorante pour que surtout je ne m'épanouisse jamais !
Elle avait crié la fin de sa dernière phrase, les joues ruisselantes de larmes.
— Pardonne-moi, petite sœur. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point tu as été blessée par la manipulation de ces gens. Je ne veux pas te faire revivre ça, je veux seulement être là pour toi. Donne-moi une chance de me rattraper.
Satine examina les yeux de son frère et y lut tout l'amour qu'il lui portait.
— Tu me laisseras prendre mes propres décisions ? interrogea-t-elle, encore un peu sur ses gardes.
— C'est promis, tu vivras ta vie comme tu l'entends, et je serai toujours là pour te protéger si tu en as besoin. Si jamais je vais à nouveau trop loin, tu as appris assez de choses avec Saya pour pouvoir me mettre la pâtée maintenant, non ?
Le jeune homme enlaça la princesse de son bras valide avec un grand soulagement. Il articula un merci silencieux à l'adresse de la générale qui l'avait aidé à mieux comprendre les préoccupations de sa sœur.
— Venez, dit Satine en tendant un bras vers sa tutrice. Je veux faire un câlin aux deux personnes les plus importantes de ma vie.
La générale les rejoignit et se retrouva un peu embarrassée au milieu de cette accolade familiale. En revanche, Satine et Taïk rirent beaucoup.
— Je suis sûre que c'est grâce à votre soutien que je vais progresser, affirma la princesse. Hier j'ai réussi à faire chauffer la barrière en acier si fort que Mikaï s'est brûlé la main !
— Vraiment ? s'émerveilla son frère, estomaqué.
— Je ne peux pas expliquer comment c'est arrivé. J'ai été submergée par mille sentiments contradictoires et je n'ai rien contrôlé, mais ça a fonctionné.
— Peut-être que l'incident du temple a agi comme un déclic, suggéra Saya. C'est prometteur en tout cas, on dirait qu'on va dans la bonne direction en stimulant vos émotions.
— Tu es impressionnante, petite sœur, reconnut Taïk. Je suis désolé de ne pas t'avoir écoutée quand tu as voulu m'en parler hier.
— C'est oublié. Oh, et il y a autre chose dont je voulais vous parler ! ajouta Satine. Mikaï m'a confié avoir fui l'empire à cause d'une rumeur. Le nouvel empereur prévoirait d'enrôler de force tous les hommes jeunes pour agrandir son armée.
Saya et Taïk échangèrent un regard inquiet. Cette information donnait une nouvelle dimension à leur quête incertaine.
— Hassama prépare réellement la guerre alors... déduisit le lieutenant, la mine grave.
Saya se pinça l'arrête du nez puis se massa le front comme si un mal de crâne assommant venait de s'abattre sur elle. L'heure de prendre une décision était venue.
— Je ne peux pas me défiler plus longtemps, annonça-t-elle. Je vais devoir rejoindre la résistance, ils auront besoin de stratèges et de meneurs.
Ses deux compagnons échangèrent un regard complice, les mots furent inutiles.
— On viendra avec vous, affirma Taïk en prenant la main de la générale pour l'assurer de son soutien. N'est-ce pas Satine ?
— Oui, confirma la princesse avec assurance. Nous irons où vous irez, Saya. Je ne veux plus jamais que nous soyons séparés. Vous êtes ma famille tous les deux.
Satine donna l'impulsion pour un nouveau câlin de groupe qui mit la générale beaucoup plus à l'aise cette fois. Cette dernière était profondément reconnaissante pour l'attachement de ses compagnons de route, l'idée d'être séparée d'eux lui avait broyé le cœur pendant une fraction de seconde. L'avenir était incertain, mais à leur côté ça n'avait plus d'importance.
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L'Éveil des Chimères (Terminé)
Fantasy[Romance fantasy] La générale Saya D'Alma perçoit sa nouvelle affectation comme un déshonneur : enseigner les rudiments du combat à la frêle fille de l'empereur Toa n'a rien de glorieux à ses yeux. Toutefois, lorsqu'un coup d'état menace la paix dan...