Chapitre 44 - La chimère révélée

196 35 40
                                    

Les chasseurs de prime firent plusieurs pauses dans la journée mais ce ne fut qu'à la nuit tombée qu'ils autorisèrent leurs prisonniers à descendre de cheval. Ils ne partagèrent évidemment pas leur repas. Les deux prisonniers avaient le ventre vide depuis vingt-quatre heures, de nombreuses plaies non soignées, et d'intenses coups de soleil, particulièrement Taïk qui n'avait pas eu le temps de remettre sa chemise avant de se précipiter dans l'auberge la nuit passée.

Saya jeta un caillou à côté du lieutenant et lui montra qu'elle tenait une pierre similaire entre ses mains. Ces fragments de roche étaient suffisamment tranchants pour parvenir à couper leurs liens... en quelques heures d'effort acharné. Taïk n'avait plus la force de se battre, ni de raison de le faire. Il resta assis dans la terre avec abattement, la tête reposée contre ses genoux, espérant trouver un semblant de sommeil dont il préfèrerait ne jamais se réveiller.

Quelques heures passèrent et quand il releva la tête les chasseurs de prime s'étaient assoupis auprès de leur feu de camp mourant. Saya avait bien entamé la corde de ses liens mais n'était toujours pas libre. Le lieutenant tourna la tête vers la couverture qui dissimulait le corps de sa sœur, on l'avait déposée au sol pour soulager le cheval qui l'avait transportée toute la journée. Il essaya de se relever pour s'approcher d'elle mais on lui avait ligoté les chevilles dès qu'il avait mis pied à terre, il renonça à bouger.

Soudain, on entendit un grondement lointain. Le bruit de chevaux lancés au galop. Les chasseurs de prime se réveillèrent avec peine et se dispersèrent dans toutes les directions, totalement désorganisés. L'un d'eux courut vers les prisonniers mais fut accueilli par un coup de pied en pleine figure. Saya venait tout juste de libérer ses chevilles, mais elle devait continuer à se battre avec les poignets attachés, balançant sans retenue ses poings joints sur l'adversaire coriace. Pendant ce temps, deux cavaliers armés d'épées avaient atteint le camp et se battaient contre les chasseurs de prime.

Taïk était resté en observateur tout ce temps, ne se sentant pas vraiment concerné par la situation, davantage concentré sur les acouphènes qui s'intensifiaient dans ses oreilles. Il vit Saya se précipiter vers lui, elle cria quelque chose qu'il n'entendit pas puis trancha ses liens avec un poignard avant de repartir se battre. Le lieutenant se leva et marcha tranquillement vers la couverture enroulée. Il s'accroupit au sol et écarta les pans de tissu. Le visage de Satine était à peine reconnaissable, partiellement brûlé et recouvert de cendre noire.

Taïk caressa doucement la joue de sa sœur et les acouphènes s'accentuèrent, à la limite de la douleur. Il se sentit faiblir, comme si le peu d'énergie qui lui restait avait quitté son corps, puis tout à coup ce fut l'exact opposé, il ressentit une décharge d'adrénaline courir dans tout son système, si forte qu'elle en était presque insupportable. Le souffle court, il s'écarta instinctivement du corps de Satine, se traînant en arrière dans la terre.

Une lueur semblait à présent émaner du corps de la jeune fille, de plus en plus vive jusqu'à se muer en un rayon qui éclairait les cieux tel un phare dans la nuit. Des larmes coulèrent sur les joues poussiéreuses du lieutenant lorsqu'il vit le corps de Satine léviter à quelques dizaines de centimètres au-dessus du sol. Quelque chose semblait se mouvoir dans le rayon lumineux qui s'élevait vers les étoiles. Lentement, la lumière se déforma, deux énormes ailes de feu s'extirpèrent du rayon en se déployant sur plusieurs mètres d'envergure. Il faisait plus clair qu'en plein jour, tous les combats avaient cessé, tous étaient subjugués par la magnificence qui se dévoilait sous leurs yeux.

Soudain, le corps enflammé d'un oiseau gigantesque surgit hors du rayon et fondit sur les humains insignifiants dispersés devant lui. Il poussa un cri strident, descendit en piquée avant de remonter vers les cieux, laissant derrière lui une traînée de flammes hautes de plusieurs mètres. Aussitôt après cette démonstration de force, l'oiseau de feu se dissipa dans les airs et les flammes moururent. La nuit reprit ses droits dans un silence irréel.

Taïk se tourna vers ses congénères, seuls Saya et les deux cavaliers se tenaient encore debout, abasourdis à la vue des quatre cadavres calcinés des chasseurs de prime. Les deux hommes tombèrent à genoux tandis que Saya s'avançait d'un pas décidé vers le lieutenant. Il la vit passer à quelques centimètres sans lui prêter un regard, puis continuer son chemin pour aller enlacer Satine qui se tenait debout à quelques pas derrière lui. Taïk sentit ses jambes faiblir et plier sous son poids, il s'effondra au sol, incapable de détourner le regard du visage souriant de sa sœur.


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
L'Éveil des Chimères (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant