Chapitre 51 - Embuscade

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Une porte en bois bloquait l'extrémité du passage secret et quelque chose de lourd placé de l'autre côté semblait empêcher son ouverture. Taïk et Cassir s'appuyèrent de tout leur poids contre la paroi qui commençait à pivoter doucement sur ses gonds. Une faible lumière se glissa dans l'interstice. Haldebard vint en renfort à ses deux camarades et ils purent bientôt se faufiler hors du passage étroit. Ils avaient débouché dans une réserve pleine de sacs de pommes de terre, de farine, et autres vivres divers et variés. Ce qui leur avait tant compliqué la tâche pour ouvrir la porte n'était autre qu'un énorme tonneau de vin.

— On reviendra te faire ta fête quand on célèbrera notre victoire, plaisanta Cassir en tapotant le couvercle du tonneau.

Saya barra ses lèvres d'un index pour demander le silence et s'approcha de la porte qui donnait sur le couloir. Elle l'entrouvrit à peine pour jeter un œil à l'extérieur, la voie était libre. Ils se glissèrent dans le couloir en file indienne et partirent en direction du seul escalier permettant d'accéder au rez-de-chaussée. Quelques serviteurs aperçurent les intrus, mais ils gardèrent leurs distances pour éviter les problèmes. A l'approche de l'escalier, les bruits provenant du dessus se firent plus clairs. Il y avait de l'agitation dans le palais.

Saya s'arrêta au milieu des marches de pierre pour tendre l'oreille. Plus que de l'agitation, c'était la panique qui régnait là-haut. D'après les bribes de paroles qu'elle avait saisies, la générale comprit que tous les soldats étaient envoyés devant la porte principale pour résister à l'ennemi en approche. Les résistants étaient vraisemblablement en marche vers le palais, c'était une nouvelle très encourageante. Mais une nouvelle diversement accueillie par les hommes d'Hassama. Certains avaient bien compris qu'ils n'avaient plus aucune chance et qu'on les envoyait au casse-pipe simplement pour faire gagner un peu de temps à l'empereur. Saya aussi l'avait compris, la seule échappatoire pour Hassama était le passage secret dont elle gardait l'accès avec sa petite troupe. Elle fit signe aux hommes derrière elle de rester en place, ils n'avaient plus qu'à attendre que le traître se jette dans leurs griffes.

Le calme se fit dans les couloirs du palais au fur et à mesure que celui-ci se vidait de ses occupants. Saya grimpa quelques marches supplémentaires pour jeter un œil dans le grand hall déserté sur lequel débouchait l'escalier. Tout à coup, son attente fut récompensée. Hassama déboula au pas de course dans le hall, flanqué de deux gardes. Ils se dirigeaient vers l'escalier du sous-sol quand les quatre résistants se plantèrent en travers de leur route, épée à la main.

Le traître, encombré par son lourd costume d'appart impérial, s'arrêta et envoya ses gardes au contact de l'ennemi. A deux contre quatre, ils n'avaient que peu de chances. D'ailleurs, lorsque le premier d'entre eux écopa d'une blessure sérieuse, ils échangèrent un regard entendu et prirent la fuite. Furieux, Hassama les insulta copieusement. Il voulut rebrousser chemin lui aussi mais se retrouva soudain face à une foule de résistants qui envahissaient le hall. A leur tête, il reconnut aussitôt la princesse Satine. Elle s'arrêta à quelques mètres de lui.

— Bande d'idiots ! hurla-t-il à l'adresse des soldats, aux abois. Vous ne savez donc pas que vous allez mettre sur le trône une bâtarde ? Cette gamine n'est pas de sang royal !

Il n'y eut aucune réaction parmi la foule. La tête haute, Satine fit un pas de plus vers le traître.

— Et quel droit as-tu sur ce trône, petit soldat, que n'aurait pas le Phénix Impérial ? répliqua-t-elle, cinglante.

Hassama vit les yeux de la jeune fille s'animer d'une lueur blanche pendant un bref instant. Effrayé, il recula et se prit les pieds dans son costume. La rumeur était donc vraie, il n'avait pas voulu y croire quand ses informateurs lui avaient rapporté cette nouvelle, mais le pouvoir des chimères avait bien choisi de se manifester à travers cette fille de basse extraction. Elle avait changé depuis la dernière fois qu'il l'avait vue, à présent il émanait d'elle une force et une assurance qu'il n'aurait jamais imaginé possible.

— Ayez pitié, implora-t-il.

— Ce n'est pas à moi que tu dois demander ça, répondit Satine. Il y a quelqu'un ici à qui tu as nui bien plus qu'à moi.

Saya s'avança dans le dos du traître qui se releva avec maladresse, empêtré dans ses volumineux vêtements.

— D'Alma, cracha-t-il avec dégoût. Tu aurais vraiment mieux fait d'y rester ce jour-là dans le canyon.

La générale garda son calme. Elle avait attendu ce moment longtemps, elle comptait bien le savourer.

— Qu'on lui donne une épée, ordonna-t-elle.

Le soldat Cassir jeta son arme aux pieds d'Hassama tandis que Taïk tentait de capter le regard de la jeune femme dans l'espoir vain de la dissuader de se lancer dans ce duel. L'empereur déchu ramassa l'épée avec un ricanement.

— Tu boites et tu crois pouvoir me battre ?

Saya fondit sur lui à toute vitesse et leurs lames s'entrechoquèrent.

— Ta défaite n'en sera que plus pitoyable, rétorqua-t-elle en le repoussant violemment en arrière.

Les deux adversaires se jaugèrent, tournèrent en cercle dans l'espace que les spectateurs avaient laissé libre autour d'eux et échangèrent quelques estocades sans parvenir à blesser l'autre. Hassama donnait l'impression de chercher à gagner du temps, ne portant que de petits coups inoffensifs, et puis soudain il envoya sa lame frôler le flanc droit de la jeune femme. Profitant d'avoir attiré son attention sur l'épée, il s'empara d'un poignard dissimulé dans les replis de ses vêtements et le planta dans la jambe gauche déjà affaiblie de Saya. Elle posa un genou à terre et pointa son épée vers le scélérat pour le tenir à distance le temps qu'elle arrache le poignard enfoncé dans sa cuisse. Plusieurs soldats autour d'eux dégainèrent leur arme, prêts à intervenir, Taïk le premier. La générale leur signifia d'un mouvement de tête qu'elle ne souhaitait pas leur intervention, ce qui provoqua le rire gras d'Hassama.

— Toujours la même, D'Alma, se moqua-t-il. Persuadée d'être la meilleure et de pouvoir tout faire toute seule.

— Tu te trompes... commença-t-elle.

Tout à coup, le poignard qu'elle avait retiré de sa cuisse fila dans l'air en sifflant et se planta dans l'abdomen du traître. Sous le choc, Hassama recula de quelques pas.

— Je ne suis plus toute seule, acheva la générale.

La lame d'une épée enfoncée dans son dos transperça alors le ventre de l'homme. Les yeux écarquillés de surprise, il tomba à genoux, laissant apparaître derrière lui Taïk avec son sang sur les mains.

Le jeune homme se précipita pour aider Saya à se relever et, dans les bras l'un de l'autre, ils observèrent le traître vaincu se renverser au sol et pousser son dernier soupir. La vengeance avait un goût de pas assez, mais il faudrait s'en contenter.


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L'Éveil des Chimères (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant