L'Éveil des Chimères (Terminé)

Chapitre 24 - Cérémonie

— Osaki, sortez de là ! appela Saya à voix basse à travers le boyau dans la roche.

Quelques minutes plus tard, le lieutenant s'extirpa tant bien que mal du petit passage. Il lâcha un juron en portant la main à sa hanche qu'il venait d'écorcher contre la pierre.

— Doucement, recommanda la générale en l'aidant à se redresser. Vous êtes déjà assez abimé comme ça.

— Vous savez où se trouve Satine ? s'empressa-t-il de demander sans grand souci pour son état pitoyable.

— Je crois que oui.

Elle lui expliqua avoir vu plusieurs groupes de prêtres se diriger vers une salle du culte, ces derniers parlaient entre eux d'une cérémonie rituelle impliquant le porteur du pouvoir, il ne pouvait s'agir que de la princesse. Elle avait aussi eu la confirmation que son subterfuge avait fonctionné à la perfection, tout le monde dans le temple pensait qu'elle était partie avec son cheval plus tôt dans la journée et la moitié des soldats impériaux avait été envoyée à sa poursuite pour tenter de la capturer. Ça faisait six hommes de moins à affronter quand le moment serait venu, c'était une avancée plus que bienvenue dans leur situation. Taïk salua cette bonne nouvelle et lui demanda quel était son plan, car il ne doutait pas qu'elle avait déjà tout prévu.

— Mon plan c'est ça, révéla-t-elle en lui lançant une tunique à capuche blanche qu'il attrapa au vol d'un air interrogateur.

Elle enfila sa propre tunique par-dessus ses vêtements en le pressant de faire de même. Ils allaient se faire passer pour des prêtres et s'immiscer au cœur de la fameuse cérémonie à laquelle devait participer Satine. La générale tendit également deux dagues scintillantes ornées de plusieurs pierres précieuses au lieutenant :

— Tenez, je n'ai pas retrouvé vos armes alors j'ai piqué ça pour vous. Je crois qu'elles avaient une vocation surtout décorative mais elles sont suffisamment affûtées pour être utiles.

— Je n'ai pas l'habitude qu'on m'offre des bijoux mais merci, j'apprécie l'attention, la remercia-t-il d'un clin d'œil amusé tout en dissimulant les dagues sous sa toge de prêtre.

Après avoir rabattu les larges capuches qui dissimulaient sans mal leur visage, ils se dirigèrent vers la salle du culte identifiée par Saya. Personne ne leur prêta attention dans la mesure où les prêtres avaient pour habitude de se couvrir la tête lorsqu'ils déambulaient dans les couloirs. Par ailleurs, le repérage effectué en amont leur permit d'avancer du pas assuré de celui qui sait parfaitement où il va et n'a rien à se reprocher.

En approchant de leur destination, Taïk nota qu'ils n'étaient pas très loin du hall d'accueil avec ses statues majestueuses ; se trouver si près de la sortie faciliterait peut-être leur évasion si nécessaire. Deux soldats impériaux montaient la garde à l'entrée d'une grande pièce dans laquelle s'engouffrait un groupe de prêtres en file indienne, il ne faisait aucun doute que les choses sérieuses se passaient par ici. Taïk et Saya pressèrent le pas pour se rapprocher des derniers ecclésiastiques de la file et le duo entra dans la salle du culte en se fondant dans la masse sans éveiller les soupçons.

A l'intérieur, une vingtaine de prêtres se tenait debout à quelques mètres devant la statue d'une chimère fulminante, mi-lion, mi-chèvre et pourvue d'une longue queue de serpent qui se déroulait au sol jusque sous sa gueule pour y délimiter un cercle, telle une place d'honneur pour qui oserait poser le pied en son centre. Il s'agissait de la chimère originelle des légendes, la plus impressionnante d'entre toutes.

Deux prêtres équipés de lances flanquaient la statue et quatre soldats impériaux s'étaient répartis dans les coins de la salle. Les autres religieux parmi l'assemblée ne devraient en toute logique pas opposer de résistance dans le cas où un affrontement s'avérerait inévitable. Les deux soldats à l'entrée refermèrent la lourde porte avec un bruit sourd, mais ils restèrent postés à l'extérieur afin de poursuivre leur surveillance dans le couloir. Taïk et Saya échangèrent un regard complice après avoir réalisé ce repérage indispensable, ils étaient relativement confiants.