L'Éveil des Chimères (Terminé)

Chapitre 14 - Révélations

Les voyageurs progressèrent encore deux jours dans la montagne, à l'affût du moindre danger. Avec la menace de potentiels chasseurs de prime sur leurs pas, ils décidèrent de mettre en place des tours de veille pendant la nuit, mais il n'y eut toutefois pas d'autres mauvaises rencontres. D'ici un ou deux jours, ils auraient enfin atteint la frontière de l'empire et seraient en sécurité sur le territoire neutre des Anciens, tout près du temple.

Ce soir-là, ils avaient trouvé une petite grotte à proximité d'un lac de montagne. C'était rare de trouver un endroit aussi idéal pour camper. Ils avaient profité du confort et de la beauté du décor pour savourer les derniers morceaux de fromage et de saucisson dérobés au berger délateur. En voyant la princesse et le lieutenant rire et se chamailler comme des enfants pour les dernières miettes de charcuterie, Saya commençait à éprouver une certaine nostalgie à l'égard de ce voyage qui touchait à sa fin.

Elle avait vécu ce périple comme une bulle hors du temps, loin des tensions qui agitaient l'empire, s'autorisant même des moments agréables avec ses compagnons de route pendant que ses frères soldats étaient traqués à travers l'empire, probablement noyés sous les difficultés que présentaient la mise en place d'une résistance solide face au nouveau pouvoir en place. La gradée bataillait avec un sentiment de culpabilité, sa tâche avait été si facile en comparaison.

Pensive, elle s'éloigna pour profiter du spectacle des étoiles au-dessus du lac. Elle s'installa au bord de l'eau et passa en revue tous les instants qu'elle avait vécus avec ses compagnons de route, les difficiles, mais surtout les bons. Une forme de mélancolie la gagnait.

Taïk la rejoignit alors en l'informant que la princesse pratiquait sa séance de méditation quotidienne à l'abri de la grotte. Il s'assit auprès de sa supérieure et lui demanda si elle allait bien. Elle acquiesça. Le lieutenant se pencha ensuite pour lui frôler la joue du dos de l'index :

— On dirait que votre blessure guérit enfin, vous n'avez plus saigné depuis que j'ai appliqué ces herbes cicatrisantes.

Saya resta figée de surprise tandis qu'il continuait à caresser doucement la meurtrissure du bout du doigt, examinant sa peau avec plus d'attention que ne l'autorisait la bienséance. Les limites réglementaires entre eux se brouillaient davantage au fil des jours. La jeune femme ne put empêcher son regard de s'égarer sur la mâchoire dessinée du lieutenant, puis sur son cou où une veine palpitait.

Quelle mouche l'avait piquée ? La générale se ressaisit rapidement et vit que Taïk était toujours concentré sur sa joue, comme hypnotisé.

— Ça laissera une jolie cicatrice... murmura-t-il.

Puis il planta tout à coup son regard dans le sien et ajouta avec une intensité troublante :

— Très jolie.

Le cœur de la générale manqua un battement. Elle s'en voulut d'emblée d'avoir faibli face à ce numéro de charme grossier et chassa la main sur son visage d'une tape sévère, puis elle se releva avec un tremblement de colère dans la voix :

— Bon sang, quand est-ce que vous allez arrêter de flirter avec toutes les femmes autour de vous ?

— Pardon ? Je ne f... Oh... dit-il en semblant soudain comprendre quelque chose.

Saya fit un pas pour s'éloigner mais il la retint par la main, l'implorant depuis sa place au sol comme un chien malheureux.

— Attendez, s'il vous plaît. Il y a quelque chose d'important que je dois vous expliquer.