Chapitre 8 - Mise en garde

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Au fil des kilomètres, les voyageurs s'éloignaient toujours plus de la cité impériale de Bastis, peinant à se défaire de la sensation d'avoir abandonné leurs pairs dans l'adversité. Plusieurs journées se succédèrent, toutes similaires les unes aux autres, s'étirant sur les chemins entre prairies et sous-bois dépeuplés. Ils avaient évité les villages et les routes fréquentées, avaient dormi dans la forêt, et avaient presque épuisé leurs réserves de nourriture.

Au matin du quatrième jour, ils se réveillèrent sur les bords d'une rivière au cœur de la campagne. Agacée, Saya repoussa le lieutenant Osaki qui s'était collé contre elle durant leur sommeil ; il roula dans sa couverture jusqu'au bord de l'eau, évitant de peu un bain matinal, et prétexta que la nuit avait été particulièrement froide pour justifier sa proximité présumée involontaire, accusant un état de profonde somnolence.

La générale avait pris l'habitude de dormir entre ses deux compagnons pour prévenir tout rapprochement depuis qu'elle les avait surpris blottis l'un contre l'autre au premier matin de leur voyage. Elle avait le sentiment que l'empereur Toa n'attendait pas seulement d'elle qu'elle assure la sécurité de la princesse, mais également qu'elle veille sur sa chasteté – du moins, c'est qu'il aurait voulu s'il avait été témoin de la relation singulière entre sa fille et son garde personnel.

Après avoir réussi à se dépêtrer de sa couverture, Taïk proposa d'aller faire un tour rapide dans le village voisin afin de s'informer des derniers développements au sein de l'empire ainsi que pour acheter quelques vivres avec l'argent qui traînait encore au fond de ses poches. Un homme seul passerait inaperçu, il retira donc la veste militaire qu'il portait sous son long manteau et la confia à sa supérieure après avoir obtenu son approbation. Avant qu'il ne s'éloigne en direction du village, Satine déposa un baiser sur sa joue en lui demandant d'être prudent, ce qu'il promit de faire.

Après son départ, les deux jeunes femmes s'installèrent au bord de la rivière pour remplir leurs gourdes. Y voyant enfin une opportunité de parler à la princesse seule à seule, Saya en profita pour tenter un petit rappel à l'ordre :

— Le lieutenant Osaki est très prévenant avec vous, votre altesse...

— Oui, c'est un amour, confirma Satine, rayonnante.

— Vous devriez garder vos distances avec lui, vous savez que ce n'est pas convenable.

— Ce n'est pas ce que vous pensez, s'amusa la jeune fille en faisant des vagues dans l'eau du bout des doigts.

— Mon opinion n'est pas le problème, argua Saya. C'est pour vous protéger que je dis ça.

— Vous n'avez rien à craindre de Taïk, voyons. Je le connais depuis l'enfance, nous sommes très proches et je lui fais entièrement confiance.

— Je vois bien que vous l'admirez beaucoup, mais le lieutenant est un soldat et il a au moins dix ans de plus que vous. Vous comprenez que mon inquiétude est légitime, n'est-ce pas ?

— Ne vous inquiétez davantage pas pour moi. Taïk est une bonne personne, je le connais, je ne risque rien avec lui, je vous assure.

— N'ignorez pas mes avertissements, s'il vous plaît. Restez prudente, insista Saya à bout d'arguments face à l'obstination de la candide demoiselle.

La princesse remercia la générale pour sa sollicitude mais son sourire de façade laissait bien comprendre que ses conseils étaient tombés dans l'oreille d'une sourde.

Elles finirent de remballer leur maigre paquetage, composé de guère plus que quelques couvertures, et s'occupèrent des chevaux en attendant le retour du lieutenant. Ce dernier finit par reparaître, les bras chargés de sacs pleins de pain, de viande séchée et de fruits. Les trois compagnons s'installèrent alors dans l'herbe pour déguster quelques pommes et des noix avant de reprendre la route.

L'Éveil des Chimères (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant