Chapitre 8 - Où est mon enceinte ?!

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Léonie

Maman et Elia sont partis au boulot. Ce qui veut dire qu'il ne reste plus que Nathanaël et moi, encore une fois.

Dans le silence, je lave la vaisselle et il essuie. J'ai beau comme hier lui avoir dit que je n'avais pas besoin d'aide et encore moins de la sienne, il n'écoute rien. Alors ce soir, j'évite de parler pour rien. Une fois a suffit et il m'a royalement ignoré. Le seul bruit qui perce le silence dans la cuisine est le bruit que fait la vaisselle qui s'entrechoque quand je la pose sur l'égouttoir en inox.

J'essaie de me concentrer sur le moment présent pour éviter de laisser une chance à mes démons de venir me tourmenter maintenant. Mais le silence n'aide pas. Pour autant, je n'aie aucune envie de lui faire la conversation.

Mon attitude d'un point de vue extérieur pourrait vraiment faire croire que je ne suis qu'une gamine immature. Après tout, mon demi-frère ne m'a rien fait depuis hier.

Excepté d'être trop perspicace.

Mais c'est un danger pour moi. Si avec lui ma comédie ne prend pas du tout, ça ne sera plus qu'une question de temps avant qu'il ne me perce définitivement à jour.

Mais il s'en fout de toi, intervient ma conscience. Bien sûr, tout le monde s'en fout de tout le monde et pourtant, ils sont aux premières loges quand on vous traîne dans la boue. Avec ce qui s'est passé l'année dernière, ma méfiance est à son paroxysme et ma confiance en l'être humain est devenue inexistante.

– Je range ça où ? lance soudainement la voix de Nathanaël.

Je lui jette qu'un bref regard mais assez pour remarquer qu'il a dans les mains une assiette.

Hier, c'est moi qui ai rangé la vaisselle mais aujourd'hui il semble vouloir le faire lui-même. A contre cœur, je suis forcé de lui parler pour l'informer de la place de rangement des assiettes.

– Dans le placard en haut, je marmonne en frottant le plat où avait été fait le gratin de raviolis.

Il ouvre le placard et range l'assiette, laissant la porte ouverte pour les suivantes.

Le silence revient en force et nous poursuivons notre tâche, où il brise le silence uniquement pour demander où se range telle ou telle vaisselle. Et où je suis bien forcé de lui répondre, hélas.

Après ce qui me semble une éternité, j'ai enfin fini et je peux enfin m'éloigner de lui. Il ne dit rien et tant mieux alors que je prends la direction des escaliers pour retrouver ma chambre. Les voix dans ma tête affleurent et ce ne seront pas les aventures d'Hadès et Perséphone qui pourront les faire taire ou du moins les étouffer. Ma marche rapide devient un trottinement et j'ouvre avec brusquerie la porte de ma chambre que je referme aussitôt. Me précipitant sur le bureau pour allumer mon enceinte, j'ai la mauvaise surprise de voir qu'elle n'y est pas...

Impossible, je la laisse tout le temps à cette place. La panique commence à s'insinuer sournoisement en moi et je retourne alors toute la chambre, cherchant avec désespoir ma foutue enceinte.

– Non, non, non, non... Je râle au comble de l'angoisse en regardant sous le lit, dans l'armoire, dans les tiroirs, sous la couette, par terre, en haut de l'armoire, sur la table de chevet mais rien. Nada. Que Tchi.

Où est mon enceinte ?!

Je me relève, ouvre brutalement pour la seconde fois la porte et dévale les escaliers quatre à quatre pour foncer dans le salon.

Bingo, il est encore là.

Mon arrivée digne d'un troupeau de rhinocéros attire l'attention de Nathanaël sur moi qui fronce lentement les sourcils.

– C'est quoi cette tronche que tu tires ? questionne-t-il.

– Où est mon enceinte ? je lance à mon tour.

Il hausse les sourcils mais le rictus qui se dessine au coin de ses lèvres ne trompe personne. Si j'avais des doutes, à présent je suis fixé. Mon demi-frère se trouve responsable de la disparition de mon enceinte.

– Oh... Ça, sourit-il narquoisement. Tu veux dire la chose qui m'a empêché de dormir de la nuit ?

Je fulmine et mon cœur accélère ses battements en même temps que les voix dans mon crâne se font plus fortes. Par pitié, pas maintenant. Pas tout de suite. Pas devant lui.

– Rends moi mon enceinte ! je crie malgré moi comme si inconsciemment je souhaitais recouvrir de ma voix les autres.

Nathanaël semble pendant quelques secondes brèves surprise de ma réaction sûrement excessive mais il se reprend rapidement et sans jamais perdre son sourire que je meurs d'envie de lui arracher, il s'étire sur le canapé, levant les bras et dit :

– Je crains que ce ne soit impossible, susurre-t-il loin d'être désolé. Je l'ai mise en vente sur Ebay et tu veux savoir quelque chose ? (Comme je ne réponds pas, il continue, fier, ne s'imaginant pas une seconde contre quoi je lutte là de suite) Elle a été achetée il y a une heure. Autrement dit, Picasso, tu peux dire bye bye à ton enceinte et moi je vais enfin pouvoir bien dormir cette nuit !

Je sens le désespoir de perdre le contrôle de moi-même quand je souffle, angoissé :

– T'as pas fait ça ?

Il hausse un sourcil et ricane, sarcastique.

– Oh mais si je l'ai fait, Léonie. Je t'ai demandé plusieurs fois de baisser ta musique sans que tu ne le fasses une seule fois, mais la laisser allumer toute la nuit, tu te fous vraiment de ma gueule. Alors j'ai pris les choses en main. Tu peux t'en prendre qu'à toi-même.

L'angoisse et le désespoir provoquent une rage sourde en moi que je laisse éclater.

– Espèce de connard ! T'avais aucun droit de vendre ma putain d'enceinte !

Nathanaël baille, ennuyé.

– Sois gentille pour une fois, dit-il en regardant à nouveau l'écran plat devant lui tout en faisant un geste de la main. Va péter un plomb ailleurs, j'aimerais bien écouter le film.

Son indifférence ne fait qu'augmenter ma colère et sous une impulsion, je chope le vase à côté de moi et lui balance dessus en hurlant :

– Putain mais va crever, enfoiré !

Par je ne sais quel miracle, il bondit du canapé et évite le vase, les yeux écarquillés d'horreur.

– Bordel mais t'es complètement cinglé, crache-t-il, encore sous le choc de mon geste.

Je le suis tout autant.

Je respire fort, sentant les griffes des démons qui commencent à m'effleurer. Ils ont senti la faille dans mon bouclier et s'y faufilent par la brèche par millier. Je frissonne, je frémis, tressaille pendant que Nathanaël laisse lui aussi exploser sa colère.

– ... Les fous c'est dans les asiles qu'on les placent ! T'as loupé ta place !

Je n'écoute même plus et me détourne vivement. Je dois partir d'ici. Tout de suite ! J'ai à peine la lucidité de choper un blouson à l'aveuglette dans le hall d'entrée avant de claquer la porte dans mon dos et m'enfuir dans la fraîcheur de la nuit. Quand la porte se referme, j'ai juste le temps d'entendre Nathanaël lancer « c'est ça, casse toi, espèce de malade » avant que je ne m'enfonce dans la nuit noire seulement éclairée par les lampadaires de la ville. 

LOVE NIGHT (TERMINÉE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant