Léonie
Quand je sors du sommeil une nouvelle fois, la chambre est baignée dans une atmosphère tamisée. Je cligne simultanément les yeux pour les habituer au faible éclairage avant de trouver Nathanaël, à mon chevet.
– Bon retour parmi les vivants, Picasso, il lance tout en me tendant un verre d'eau avec un comprimé dans la main.
– Qu'est-ce que c'est ? je lui demande d'une voix encore pâteuse de sommeil et un brin éraillée d'être resté autant d'heures sans parler.
– Du Paracétamol. C'est contre la douleur.
Les renseignements demandés acquit, je met le comprimé dans ma bouche et vide l'eau du verre en avalant le tout. Je le pose sur la table de chevet dans un bruit sec mais tendre le bras réveille ma côte endolorie et je regrette aussitôt mon geste. Je gémis sans même pouvoir me retenir et ferme les yeux, pressant fortement les paupières.
– Crétine, marmonne mon demi-frère.
Je tressaille contre le froid de la glace qu'il vient de replacer et lâche un soupir.
– Je suis peut-être mal en point mais pas sourde, je riposte en le fusillant du regard.
Il sourit en levant la tête vers moi. Mieux encore, cet imbécile lève un sourcil dans une provocation.
– Mince, je croyais.
– Hahaha, trop drôle, je lance sarcastique en levant les yeux au ciel.
Il ricane.
– Évite juste de bouger si tu veux que ça se guérisse, il reprend plus sérieusement.
Un sérieux qui me rend curieuse.
– T'as prévu de devenir infirmier plus tard ? je lui demande, intriguée.
Il hausse un sourcil, étonné par ma question.
– Non, je ne sais même pas ce que je vais faire après le lycée, pour tout te dire.
Maintenant qu'il lève le sujet, ça me fait penser que moi non plus, j'ignore où j'irai après cette année. Et dans quoi.
– Et toi ? il renvoie la question.
Je secoue la tête.
– Je veux être une artiste mais dans quoi, je ne sais pas.
– Ah voilà qui explique tout !
– Comment ça ? je fronce les sourcils.
– Tes cheveux, tes vêtements aussi colorés que la salle de Cole et même ton attitude un brin extravertie les premières semaines.
S'il savait qu'il était à des années lumières de la vérité... Pour autant, je ne le détrompe pas. Pas pour l'instant.
– C'est ça, je réponds alors en forçant un sourire.
Mais il ne remarque pas que je surjoue la comédie, trop occupé à fureter dans ma chambre.
– T'avais remarqué que je te l'avais rendu ? il lance en se tournant vers moi, brandissant... Mon enceinte. Au vu de ta réaction, j'en déduis que non.
– Tu... Tu l'as racheté ? je demande, incrédule.
Il ricane.
– Je ne l'ai jamais vendu, Picasso. C'était du bluff. Mais si j'avais prédit ta réaction démesurée, je me serais abstenue.
Je détourne le regard, honteuse. Et coupable. J'ai perdu le contrôle de moi-même, ce soir-là et qui sait ce qui aurait pu se produire s'il n'avait pas évité ce foutu vase...
– J'ai jamais vu quelqu'un aussi accro à la musique au point de péter un câble comme tu l'as fait, il commente.
– Je ne suis pas accro à la musique, je m'entends lui dire. Ça me permet surtout d'étouffer les voix...
– Les voix ?
Je tourne la tête vers lui. L'enceinte toujours dans sa main, il a cessé de la manipuler, concentré sur moi et mes mots.
Je soupire.
– Celles qui me susurrent à l'oreille de me faire du mal... je réponds dans un souffle.
Et c'est le silence qui sera la seule réaction de cette confidence.
Je fixe le plafond, préférant regarder cet étendue de blanc que la pitié dans son regard. Puis tout à coup, la voix de Yungblud résonne dans la chambre à un volume bas comme un bruit de fond. Confuse, je regarde à nouveau Nathanaël qui pose l'enceinte sur le bureau et s'approche du lit.
– Je suis désolé d'avoir été aussi con, Léo. Je voyais uniquement un de tes moyens pour me pourrir l'existence dès mon arrivée ici. Pas que c'était pour toi seulement et ta lutte contre tes démons.
Touchée, j'acquiesce et m'excuse à mon tour.
– Et moi je suis désolé. Pour le vase.
– Je sais. Tu t'es déjà excusé le soir même quand t'es rentré.
Étonnée, je cligne des yeux.
– Je ne m'en rappelle pas, j'avoue.
– C'est sûrement parce que t'étais déjà à l'ouest, il sourit.
– Sûrement oui... je murmure.
– N'en parlons plus, Picasso, déclare Nathanaël. On va se concentrer sur ce qui se passe actuellement et ce qui se passera demain.
Perdue, je fronce les sourcils en l'observant.
– Qu'est-ce qui se passe demain ?
Il me fixe, cligne des yeux, me fixe encore puis éclate de rire.
Qu'est-ce que j'ai dit ?
– C'est une façon de parler, Picasso. Il ne se passe rien demain excepté la routine habituelle. Enfin toi, tu vas rester ici.
Difficile de vouloir protester, je peux à peine marcher sans avoir envie de crier.
– Et toi, qu'est-ce que tu vas faire demain ? je lui demande.
Vas-tu aller voir Aurélia ? Trainer avec elle comme si elle ne s'était pas défoulé sur moi ?
– Aller en cours, répond Nathanaël comme si c'était la réponse la plus évidente. Oh et aussi dire deux mots à Aurélia, il ajoute et tout son visage se ferme.
Et moi je panique. Et si ça aggravait les choses ?
– Respire, Léonie.
Je ne me rendais pas compte que j'étais resté en apnée. Je respire par de grandes inspirations et expirations.
– Inutile de t'angoisser pour rien. Je vais juste lui dire ma façon de penser et d'aussi supprimer ce groupe sur Facebook. Qu'ils te laissent tous tranquille, il détaille.
Mon cœur loupe une série de battements et pendant un instant, j'envisage que Nathanaël réussisse ce qu'il vient de dire. Un espoir que le cauchemar touche à sa fin...
Ce serait bien sûr trop beau pour être vrai, surtout en connaissant Aurélia, Lolita et Yris. Bien qu'il y ait que la leader ici, je ne doute pas que ses deux meilleures amies soient au courant du moindre évènement me concernant.
– C'est ton père, j'entends soudainement.
Ce qui me fait revenir dans la réalité où je suis dans ma chambre, allité sur mon lit et Nathanaël devant moi qui me tend mon téléphone qui est en train de sonner.
Et effectivement, sur l'écran est bien écrit Papa.
– Merci, je lui dis en prenant le téléphone et décroche l'appel. Allô papa ?
Nathanaël s'éclipse de la chambre pour me laisser parler à mon père et je crois entendre « je vais commander des pizzas » mais n'en suis pas sûre.
– Léo, ma chérie, comment vas-tu ? répond mon père au bout du fil.
Et dès que j'entends sa voix familière et si réconfortante de cet enthousiasme sincère, je manque de fondre en larmes. C'est fou ce qu'il m'a manqué !
VOUS LISEZ
LOVE NIGHT (TERMINÉE)
RomanceSourire ne veut pas dire adorer sa vie. Il reste plus qu'une année à tenir avant de dire adieu au lycée. Léonie originaire de Boston a migré à Chicago, abandonnant son père pour rejoindre sa mère et sa belle-mère. Seulement, elle n'est pas la seule...