Chapitre 10

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Le 14 mars était toujours une journée difficile pour Winnie. Chaque année, à cette date précise, elle se sentait seule et triste.

Le 14 mars, Winnie fêtait ses 16 ans pour une vingtième année. 20 ans qu'elle était prisonnière de ce miroir, l'empêchant de vivre sa vie, d'avoir un emploi qu'elle aurait aimé, un mari et des enfants, une grande maison et un chien.

20 ans qu'elle était une adolescente.

Cette journée-là, lorsque Drago entra dans la salle sur demande, il fut surpris de ne rien entendre, de ne recevoir aucun accueil. Arrivant près du miroir, il le vit vide, signe que Winnie ne souhaitait pas se montrer.

Haussant les épaules, Drago alla à son armoire. Son amie se montrerait lorsqu'elle le souhaiterait.

Puis, il pensa: était-elle fâchée contre lui? Est-ce qu'il avait fait quelque chose de mal? Il n'avait pas pu venir pendant quelques jours, mais ce n'était pas de sa faute: il avait, certes, une mission, mais aussi des cours et il voulait réussir.

-Winnie? il demanda. Tu es là?

-Je suis toujours là, Drago, tu ne le vois pas? demanda sèchement Winnie, se montrant dans son cadre. Je ne peux pas aller ailleurs, je ne peux pas partir. Où est-ce que je serais si je n'étais pas ici?

-Ça va, pas besoin de s'énerver, il lui dit.

-M'énerver? M'énerver? J'ai pleinement le droit de m'énerver! s'écria-t-elle. Je suis prisonnière ici depuis 20 ans. 20 ans que je suis seule dans ce stupide miroir. Je n'ai pas grandi, je n'ai pas vieilli, je suis obligé d'être dans une salle avec pour seule compagnie les fantômes de l'école et un garçon qui, d'ici quelques mois, quittera la salle sans un regard derrière pour le pitoyable miroir que je suis. Donc je m'énerve si je veux, je fais ce que je veux, de toute manière, je ne peux rien faire de plus.

-Est-ce que même dans ce miroir, tu as tes problèmes de femme?

-Va-t'en.

-Quoi?

-Dégage, Malfoy, laisse-moi tranquille, lui dit-elle simplement.

-Parce que tu penses que je vais écouter un meuble?

-Dégage! s'écria-t-elle.

Sans un mot de plus, le jeune homme quitta la pièce, laissant le miroir en pleur.

[...]

Il devait être 23h lorsque Drago revint dans la salle sur demande.

-Est-ce que je peux être ici? il demanda.

Winnie, surprise de le voir, lui fit un hochement de tête. Le jeune homme s'installa sur le sofa devant elle et attendit.

-Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as, lui dit-elle. Tu peux vivre, tu peux sortir, courir, tu peux faire ce que tu souhaites faire. Tu vas pouvoir avoir une famille lorsque tu vas le désirer, tu vas pouvoir avoir le métier que tu veux.

Il y eut un autre moment de silence. Voyant que Drago l'écoutait, la jeune femme soupira.

-C'est mon anniversaire aujourd'hui. J'ai 16 ans pour une vingtième année. Je sais que je vais rester dans ce miroir pour le reste de ma vie et je suis en colère aujourd'hui.

-Je suis désolé...

-Tu n'as pas à t'excuser, tu n'as rien fait.

-J'ai quelque chose pour toi. Je ne comptais pas te le donner, mais je veux maintenant que tu le vois.

Drago sortit de l'une de ses poches un parchemin qu'il avait plié. Doucement, il l'ouvrit et lui montra.

Drago lui avait déjà dit qu'il aimait dessiner, mais jamais elle n'avait vu ses œuvres. Devant ses yeux se trouvait un dessin d'elle qu'il avait fait. Celui-ci était très précis, ayant beaucoup de détail. Il l'avait dessiné hors du cadre, comme si elle n'était qu'une personne normale.

Elle ne faisait que lire un livre en souriant.

-C'est tellement beau, murmura-t-elle. Quand l'as-tu fait?

-Une fois, tu lisais et tu étais tellement concentré que tu n'as pas remarqué ce que je faisais. Je... Enfin, je trouvais que c'était une belle occasion de te dessiner.

-Merci de me rendre humaine, Drago.

Winnie avait le cœur qui battait à mille à l'heure. Ce jeune homme qu'elle ne pourrait jamais avoir lui faisait ressentir des choses qu'elle n'avait jamais ressenties.

Une pensée lui traversa finalement l'esprit.

Bientôt, l'année se finirait et lorsqu'il aurait terminé sa tâche, il ne viendrait plus la voir.

Son cœur se serra à la simple pensée qu'il ne vienne plus la voir et la faire sourire.

Pourtant, elle savait que c'était inévitable.

Après tout, elle n'était qu'un meuble et lui était vivant.

Le miroir de l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant