Chapitre 22

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À son odeur, Coeur de Pétale reconnut Croc de Bourgeon sans avoir besoin de se retourner. Il termina tranquillement sa toilette, avant d'enfin adresser un regard au guerrier resté sur le seuil de l'antre.

— Entre, veux-tu, autorisa le chef des Refusés.

Croc de Bourgeon avança de quelques pas. Son expression à la fois résignée et déterminée lui donnait un air mature que Coeur de Pétale ne lui connaissait pas. Le tigré n'avait plus revu son ancien tutoré depuis quelques jours, et il en avait déduit que le chat avait finalement accepté les règles du clan, aussi dures soient-elles.

Il espérait profondément que le jeune félin ne venait pas pour émettre un énième jugement négatif.

— Coeur de Pétale, débuta Croc de Bourgeon avec courage, je sais déjà que tu as fait des choix difficiles pour notre vengeance, que je ne remets pas en question, mais j'ai besoin que tu comprennes que...

Le meneur avait espéré pour rien.
Il aurait dû s'en douter.

— Ça suffit !, le coupa Coeur de Pétale en se relevant avec colère.

Il s'approcha vivement de son interlocuteur, agacé du comportement rebelle de celui-ci.

— Rappelle-toi d'où tu viens, Croc de Bourgeon !

Après Tache Ardente, voilà encore un guerrier qui remettait en question les actions du meneur.

— Rappelle-toi que je t'ai sorti des prisonniers parmi lesquels tu croupissais, et ce par affection pour toi ! Mon indulgence a des limites, le fait que j'ai été ton garant à l'époque de la Grotte des Refusés ne change rien à ta position !

Croc de Bourgeon ne put soutenir le regard brûlant de Coeur de Pétale.

— Tu es un guerrier comme les autres, qui doit respecter mes ordres comme les autres, et dont l'avis n'a pas d'importance ! J'en ai plus qu'assez que tu me ridiculises en me faisant passer pour un faible qui t'as fait intégrer notre clan par naïveté...!

— Je ne..., essaya le fautif.

— "Tu ne" rien !

« Sommes-nous sûrs qu'il s'agit là de nos valeurs et de celles de la Grotte ? Ne faisons-nous pas ainsi la même erreur que les Clans, celle de choisir le chemin de la violence ? »

Les paroles que Croc de Bourgeon avait prononcées après le tout premier discours de Coeur de Pétale lui revinrent à l'esprit.

— Es-tu un traître, Croc de Bourgeon ?, aboya le meneur.

— Non !, balbutia l'autre.

Le félin aux prunelles bleus le fixa, dubitatif.

— As-tu utilisé ma bienveillance pour sortir de la tanière des prisonniers, sans partager mon affection pour la Grotte ?

Croc de Bourgeon voulait dire quelque chose. Coeur de Pétale vit bien que le matou se retenait d'asséner une vérité qui lui serait fatale.

— Non, protesta-t-il seulement. Je suis fidèle à la Grotte des Refusés, et à notre clan.

— Alors je te laisse une dernière chance pour me le prouver...

Le chef allait faire d'une pierre deux coups.
Il allait vérifier la loyauté de Croc de Bourgeon, tout en réparant l'erreur de Toison Blanche et Fleurs de Gui.

— Suis-moi, ordonna Coeur de Pétale sans un seul regard pour le guerrier.

Il s'engagea dans le tunnel au fond de sa tanière, se dirigeant tout droit vers la deuxième prison du camp. Celle où Petit Azur ainsi que quelques autres chats étaient enfermés. Dont, bien sûr, ceux qui intéressaient le meneur brun tigré.

Les Racines du Saule ~4. L'Azur~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant