Chapitre 23

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— Patte de Tige.

La guerrière sursauta.
Elle se retourna vivement, ne sachant trop si ce qui la surprenait était qu'on l'eût retrouvée là où elle était, ou bien que ce fut Poussière de l'Aube qui y fusse parvenu.
Le guerrier s'assit à côté d'elle, le regard planté vers l'horizon. La femelle reporta elle aussi ses prunelles sur le paysage qu'elle contemplait plus tôt.

Le Grand Cratère, vierge de toutes verdures, de toutes vies, s'étalait devant eux, essayant comme il pouvait de renaître de ses cendres. Quelques pousses vertes contrastaient avec la noirceur du territoire tournoyant. Le promontoire rocheux sur lequel Patte de Tige et Poussière de l'Aube s'étaient installés surplombait une forêt foudroyante calcinée.

La brune claire avait découvert ce lieu quelques levers de soleil plus tôt, lors d'une patrouille de chasse matinale. Elle y était revenue plusieurs fois, depuis, appréciant cet endroit silencieux où elle pouvait être seule loin de ses problèmes, de ses doutes, et de ses remords.

Quinze levers de soleil.

Elle s'en voulait d'avoir compté, parce que ça ne faisait que renforcer la réalité de la situation.

Cela faisait quinze levers de soleil que le cataclysme qui avait détruit le Grand Cratère s'était déclenché, et que Petit Azur avait disparu dans la nature.
Patte de Tige se souvint des paroles de Petit Saule.

« Je sais qu'il est mort ! »

L'était-il ?

Poussière de l'Aube et elle étaient-ils donc les seuls à garder espoir ? À ne pas vouloir baisser les pattes ?

La guerrière se demanda si Petit Saule avait finalement raconté à son père l'escapade nocturne qu'avait fait Petit Azur le jour de l'incendie. Si c'était le cas, est-ce que Poussière de l'Aube en voulait quand même à Patte de Tige de n'avoir été plus vigilante ?

La femelle à la robe brune claire se tourna finalement vers le guerrier, qui avait respecté son silence depuis son arrivée.

— Que se passe-t-il, Poussière de l'Aube ?

L'autre se redressa un peu, sachant que c'était à son tour de prendre la parole. Patte de Tige prit conscience qu'il allait sûrement lui annoncer officiellement leur séparation. Depuis sa crise face au camp entier, la chatte lui avait laissé de l'espace, espérant que la situation n'empirerait plus.

Cependant, la réflexion du matou fut bien différente de ce à quoi elle s'attendait.
Il se racla la gorge.

— J'ai parlé avec Étoile de Buisson et Poil de Frelon, tout à l'heure, et je pense que la décision que nous avons prise te concerne assez pour que je t'en parle.

Patte de Tige ne sût si elle devait se réjouir de n'entendre le nom de Patte Tachetée, ou si elle devait justement s'en inquiéter.
Elle incita son interlocuteur à continuer, un peu déstabilisée par l'air grave qu'il avait pris.

— Une fois que nous aurons retrouvé Petit Azur ainsi qu'un autre meneur, nous avons décidé qu'Étoile de Buisson partira fonder un nouveau clan loin du Grand Cratère. Poil de Frelon et les chats foudroyants qui le veulent resteront ici, et moi, je serai le lieutenant du Clan d'Étoile de Buisson.

Il précisa.

— Lieutenant, puis chef.

Patte de Tige resta un instant interdite. Elle finit cependant par questionner, honteuse que ce soit la première chose qui lui soit venue à l'esprit.

— Patte Tachetée viendra... avec toi ?

Poussière de l'Aube ferma les paupières, la tournure que prenait la discussion ne lui plaisant pas vraiment.

Les Racines du Saule ~4. L'Azur~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant