Avril (1)

128 17 31
                                    

On ne décide pas lorsque nos yeux quittent la réalité si c'est un rêve ou un cauchemar qui viendra nous bercer.


UNE NOUVELLE INATTENDUE


Mardi 4 avril

Ma tête reposait dans mes mains alors que mes coudes s'enfonçaient dans le radiateur.

Cette simple sensation désagréable me permettait de ne pas penser au reste. Mon esprit demeurait concentré sur ce seul et unique élément.

Pourquoi restais-je dans cette position, me diriez-vous ?

Mais après tout, pourquoi pas ?

La douleur physique pouvait s'associer à la douleur psychique, parfois même, elle permettait de l'atténuer.

Elle diminuait presque la mienne, même si je ne pouvais pas réellement ressentir cette souffrance ou la toucher de mes mains. Le vide restait l'unique chose que je parvenais à définir. Le néant résidait dans mon esprit, dans mon corps. Voir même dans ma vie.

Dramatisais-je trop ?

À treize ans, je vous aurais répondu que oui, mais avec le recul nécessaire, je découvrais juste ce que signifiait la dépression.

J'allais avoir des marques. finis-je par penser, en relevant mes coudes des renfoncements du radiateur en dessous de ma fenêtre.

Mes coudes étaient rouges, ils devaient surement me faire mal et pourtant je ne ressentis aucune douleur. Cela devait être dû à mon état.

En relevant la tête, mes mains à présent à plat sur les barreaux du radiateur.

Mon regard se posa à travers la fenêtre, le ciel grisâtre apparaissait.

J'aimais cette couleur, elle paraissait terne et en même temps, elle apportait un semblant d'espoir qui disparaissait aussi vite qu'il arrivait.

Ce mauvais temps s'accompagnait de ce silence mortel dans lequel je m'étais habituée depuis plusieurs heures. Seules mes pensées parlaient, petit à petit mes lèvres se scellaient.

Bientôt, je ne m'exprimerai plus.

À quoi cela servirait de toute façon, dès que j'essayais, ne serait-ce que de prononcer un mot, on m'arrêtait instantanément en me couvrant de cette mélodie devenue assourdissante au fil des jours.

— Dépêche-toi, Rose, on va être en retard ! hurla ce que je pouvais deviner au timbre de voix, ma mère qui provenait sûrement de la cuisine.

Elle détestait être en retard. Une chose qu'elle a eue plaisir à me transmettre.

Traînant des pieds, je quittai cette fenêtre montrant ce paysage sans vie. Mon corps me paraissait un peu plus lourd à chaque pas que j'exécutai.

Le couloir face à moi me semblait d'une longitude sans égal, mes yeux cernés le regardaient sans vraiment l'observer.

Je me contentai de le traverser sous un nouveau rappel assourdissant pour mes oreilles de ma mère, me rappelant que l'heure de mon rendez-vous approchait à grands pas. Arrivée aux escaliers en bois de la maison, mon corps pesait encore trop lourd et chaque mouvement que je faisais pour descendre les marches me le confirmait.

La cuisine face à moi, je distinguai à peine ma mère finissant de préparer son sac à main. À nouveau, en traînant les pieds, la tête légèrement baissée, ma veste récupérée, sans un bruit, je sortis dehors sans accorder un regard à ma mère.

La voiture me fit face, sans grande envie, la poignée de la portière sous mes doigts, elle s'ouvrit avec le peu de force qui restait dans mon corps, je montai dedans et m'attachai.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant