Juin (3)

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TIC-TAC

Professeur d'anglais

Une fois mes élèves sortis de la classe, je m'étirai de cette longue journée. J'aimais mon métier plus que tout, mais une journée avec autant d'élèves, de cours et surtout de prises de parole pouvaient être fatigantes.

J'attrapai mon cartable en faux cuir noir par l'anse, un cadeau de mon mari pour mon trente-cinquième anniversaire. Ma porte de classe fermée, je me retournai quand je tombai nez à nez avec un de mes élèves de quatrième.

— Madame, est-ce que je pourrais vous parler, s'il vous plaît ? Me demanda-t-il calmement, avant que je ne puisse rétorquer, il ajouta, c'est important, s'il vous plaît.

Je hochai la tête et rouvris à la hâte ma salle. Il pénétra dans la pièce, presque honteux. Installé à nouveau à mon bureau, j'invitai mon élève à prendre place sur la chaise face à la mienne.

— Je t'écoute, Sacha, que se passe-t-il ?

Sacha était un de mes élèves les plus calmes et timides. Il possédait un très bon niveau d'anglais. Je n'avais jamais eu de problème concernant cet élève. Je le voyais souvent en compagnie d'une autre élève, Rose, lors de l'intercours. Cela me faisait plaisir de les voir s'entendre.

— C'est à propos de Rose Sorena, annonça-t-il, j'ai l'impression qu'elle ne va pas bien. Depuis quelque temps, j'entends des choses sur elle de la part de nos camarades de classe.

Flashback


Sacha

Mercredi 3 mai

Le carnet de dessin que m'avait offert ma grand-mère en héritage était serré dans mes bras au moment où je saluai de la tête le chauffeur du bus. Je n'aimais pas vraiment les autres élèves, alors je prenais toujours le second bus comme une de mes camarades, Rose. Souvent, nous nous asseyons à côté, sans pour autant parler. J'appréciais le fait que nous ne nous forcions pas à créer un lien autour de questions futiles dans le simple intérêt d'être poli.

Je déclinai de la tête la proposition de son amie rousse, beaucoup trop enjouée de me proposer de partager le trajet à leurs côtés. Elles s'installèrent sur la rangée de gauche, la barrière soutenait le bras de la rousse tandis que Rose jouait avec ses mains sur son sac à dos rose. Elles ne parlèrent pas pendant la moitié du trajet. Jusqu'à ce que ma camarade ne commence à lui confier un problème de santé. À plusieurs reprises, elle évoqua une scoliose et le fait du sentiment d'impuissance face à cette nouvelle.

Pour la première fois, depuis longtemps, la page de mon carnet présélectionné était restée vierge.

Jeudi 11 mai

Mon carnet posait sur la table de la cantine, je déjeunai seul et cela me convenait. Personne pour me déranger pendant que je dessinais. Une table à côté de moi ne cessait de faire du bruit et s'exclamait de quelque chose depuis plusieurs minutes. Il s'agissait de camarades de ma classe, je ne leur avais jamais adressé la parole. Combien de fois avais-je entendu leur voix, des intonations traduisant le dégoût et la haine face à une de mes camarades, Rose. Tous les jours, elle entendait leur voix sans rien dire.

Si je t'assure, elle avait des cicatrices ! assura une voix féminine à la table d'à côté.

Tu penses qu'elle se mutile ? questionna une autre à sa droite.

Elle fait son intéressante, en conclut un autre.

Et tous se mirent à rigoler, ils étaient huit. Huit personnes à se moquer du fait que ma camarade se mutilait. Je ne savais pas ce que c'était, je me rendrais sur internet pour en chercher la définition.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant