Octobre (3)

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VIS L'INSTANT PRÉSENT


Dimanche 14 octobre

La semaine avait été dure.
Difficile de tenir dans une classe où mon regard croisait celui de ceux qui n'étaient plus protégés par mon silence.
À chaque heure de cours, la boule dans mon ventre avait amplifié, prenant toute la place. Entre elle et le corset, la bataille pour savoir qui allait être le plus inconfortable était lancée.

Mes parents, perdus dans le labyrinthe des émotions de leur fille, avaient eu peu d'issues possibles. Par miracle, ils réussirent à trouver un passage secret, une brèche dans les jours moroses que je vivais.

La portière ouverte, je déposai tout ce qui m'encombrait sur le siège à mes côtés et m'installai. Ma ceinture bouclée, mon père enfila la casquette de chauffeur pendant que ses mains entrèrent en contact avec le cuir du volant. Le ronronnement du moteur se répandit quelques instants plus tard dans l'habitacle où ma mère venait de prendre place, côté passager.

— C'est bon Rose, son regard analysa à travers le rétroviseur la banquette arrière, où est ton corset ?

— Là, lui montrai-je avec mon doigt le corset à ma droite.

11h32 – cour de mes grands-parents

L'immersion hors de mes réflexions fut dure. Il me fallut quelques instants pour réaliser que le trajet prenait fin. La voiture garée, la cour de mes grands-parents l'accueillait.

La portière fermée, la lanière de mon sac dans ma main. J'inspirai cet air si particulier qui me rappelait l'enfance.

— Rose, appela ma mère, attends s'il te plait.

Mon corps dos à elle, je lui fis face. Mon regard descendit à l'orthèse blanche qu'elle soutenait de sa main. Le visage fermé, elle m'annonçait indirectement son ordre.

Sans grand enchantement, la matière de mon compagnon rencontra ma main, un contact devenu habituel. Je soufflai un merci avant de me faire à nouveau stopper.

— J'aimerais aussi que tu me donnes ton portable, s'il te plait.

Ma mine étonnée la contraint à insister, accentuant sa demande, paume de main vers le ciel, attendant qu'elle soit remplie.

Mes yeux rencontrèrent le ciel grisâtre avant que de ma poche en sorte l'objet que je lui remis non sans agacement.

— Ne le prends pas comme une punition, m'informa-t-elle gentiment en le rangeant dans son sac à main. Mais au vu de ce qui s'est passé cette semaine (la crise), je préfère que tu t'éloignes un peu de ton téléphone. J'eus à peine le temps d'entrouvrir les lèvres pour la contester qu'elle poursuivit. Tu le récupèreras ce soir. Elle réfléchit un instant. Et puis, aujourd'hui, je veux que tu puisses profiter de tes grands-parents. Comme quand tu étais petite. La mélancolie s'immisçait dans sa voix. Malheureusement, tu le sais, ils ne sont pas éternels et je veux que tu puisses avoir des souvenirs des moments partagés avec eux.

Sans chercher à argumenter ses explications, j'acquiesçai avant de laisser la chaumière familiale nous accueillir, le corset et moi.

Je pénétrai dans la cuisine à la décoration des plus anciennes qui apportait cette part de souvenir dans cette maison construite pendant huit ans par mon grand-père maternel.
Ce dernier reposait dans le salon à feuilleter son journal, assis dans un des fauteuils en cuir noir qui accessoirisait la pièce.
Ses lunettes rondes, uniquement pour la lecture, étaient posées sur le bout de son nez. Ses yeux kakis s'agrandirent dedans lorsqu'il releva la tête, ayant senti ma présence.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant