SANS FIN, IL Y A TOUJOURS UNE SUITE16 janvier
La couleur vive de ces meubles me replongea dans cette mer de souvenir, où chaque rendez-vous entre ces murs flottait dans mon esprit.
La porte claqua dans une violence.
Je posai instinctivement ma main sur mon cœur, le protégeant pour ne pas l'affoler.
— Décidément cette porte, remarqua d'une voix posée au timbre bas l'orthoprothésiste en saluant mon père.
Elle portait sa blouse blanche à manches courtes, où les manches de son pull ressortait. Ses mains se délaissèrent de mon troisième compagnon, le déposant sur la table d'auscultation derrière moi.
Je me retournai, l'observant pour la première fois. Je ne le toisai pas contrairement au deux dernier, je l'admirai presque,vêtu de blanc.
— Je pense que je n'ai plus besoin de te montrer comment l'enfiler, tu es grande maintenant, s'amusa mon orthoprothésiste en m'observant faire connaissance avec cette troisième orthèse.
J'avais grandi, l'enfance me quittait petit à petit.
J'avais treize ans lorsque j'avais découvert que les corsets n'étaient pas destinés qu'aux princesses.
Du haut de mes quinze ans, je comprenais que j'étais moi aussi une princesse, à ma façon.
Le corset m'entoura, m'étreignit dégageant un sentiment familier sur mon corps. La pression qu'il exerça créa cet inconfort auquel je m'étais habituée. Mes épaules se levèrent, laissant mes aisselles se confortaient contre les petits coussins teintés de noirs. Je ressentais leur poids en resserrant les trois laçages avant que mon orthoprothésiste ne me les marque d'un son stylo noir indélébile. Je la regardai, la tête baissée, exerçant une pression dans ma nuque. Je pouvais presque sentir la barrette au deuxième cran taper sur mon menton avant que je ne puisse soulager ma nuque en relevant mon visage.
— Savez-vous pourquoi cette enfant a changé autant de fois de corsets ? Non ? Je vous explique. L'orthèse a été conçue selon ses mensurations à ses 13 ans, un âge où le corps entre dans la puberté et de ce fait, les formes apparaissent, la poitrine se développe. Afin de poursuivre l'efficacité de l'orthèse, il est essentiel que celle-ci soit adaptée à la patiente, par conséquent, fabriquée avec les nouvelles mensurations. Il sera également possible qu'en cas d'évolution trop conséquente de son état rachidien, l'orthèse subisse des modifications sans pour autant être remplacée.
— Oui...merci pour ces précisions Doctorina. Même si je ne suis pas sûr que cela fasse avancer les choses, m'enfin.
— Vous devriez écouter mon expérience, jeune fille. Je ne gaspille pas ma salive dans des éléments futiles.
— Comment tu te sens avec ce troisième corset ?
Elle s'était reculée, glissant sur sa chaise à roulette à quelques pas de moi.
Je croisai son regard patientant ma réponse, d'un petit sourire je lui répondis.
En prenant une grande inspiration, je compris.
Je guérissais.
Lorsque je ne le portais plus, son contact me manquait. Il m'apportait un sentiment de protection, comme un gilet pare-balle. À sa seule force, il interceptait les critiques, commentaires, regards à son égard. Il me protégeait des autres et m'en avait éloigné.
En me tournant, le miroir accroché entre la grande porte et les chaises rouges me tendit la main.
Il souhaitait me contempler.
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SCOLIO'ME
De TodoOn le sait tous dans l'obscurité se cache toujours un faisceau de lumière. Rose Sorena ne se doutait pas que sa vie, déjà assombrie par les brimades et les insultes qu'elle subissait quotidiennement, allait basculer dans les ténèbres à cause d'une s...