Août (1)

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UN CORSET N'EST PAS DESTINÉ QU'AUX PRINCESSES

Du temps s'était écoulé depuis mon premier rendez-vous avec ce spécialiste du dos.

Ses paroles s'étaient encrés dans mes pensées et revenaient sans cesse comme une mauvaise mélodie.

Même les vacances n'avaient pas réussi à me faire perdre les souvenirs de ce moment.

Dont celui que j'allais vivre en cette journée.

Lundi 14 août

« L'orthoprothésiste est la personne qui conçoit et pose des prothèses et des orthèses pour permettre au patient de regagner en autonomie. Dans la situation du corset, son rôle sera de procéder à l'essayage, de faire les ajustements qui seront par la suite validés par l'équipe médicale. »

La définition s'afficha sur mon portable dans le moteur de recherche. La lecture fut difficile avec les secousses que produisait la voiture qui filait en direction du cabinet de ma future orthoprothésiste. La date sur mon portable, à nouveau sur l'écran verrouillé, annonça  petit à petit la fin des vacances. Ces deux mois m'eurent permis de prendre le recul nécessaire sur cette dernière année.

Une piqûre de rappel, sur toutes ces fois où ma peau avait saigné. Le sang était devenu translucide sur le visage de mes proches. À commencer par ceux qui avaient su me donner l'opportunité d'entendre mon cœur battre. Ces battements que j'avais souhaité faire cesser dans mes oreilles.

Celui qui partageait mon sang avait baissé son masque pour me dire qu'il m'aimait. Mon grand frère avait été si affecté par le sort que les camarades de sa petite sœur lui réservaient dès que la cloche retentissait.

Un voyage, loin du cauchemar, nos parents nous avaient emmené dans un autre pays. Ils avaient espéré que la déconnexion me permettrait de me retrouver. Les mots qui s'étaient inscrits dans mon esprit, mon père avait voulu les effacer à chaque photo qu'il prenait de moi.

Pendant ces mois durant, les réseaux sociaux avaient été une source quotidienne d'angoisse et de tristesse permanente, me bouffant un peu plus chaque jour. Finalement, ce séjour m'avait permis d'assimiler le fait que je méritais de vivre. Que la vie pouvait m'apporter de la joie et pas simplement de la souffrance. Et qu'il m'était totalement autorisé de sourire, même avec des dents pas totalement alignées.

Bzzz, Bzzz

Le bruit des notifications de messages me sortit de mes pensées. J'avais presque oublié l'existence de cette application. Pendant ces deux mois, je ne m'en étais servi que pour parler à mes amies. Deux en particulier m'avaient ordonné de nous retrouver dans le petit parc à côté de chez moi à la suite de leur entrevue avec ma professeure. Comment ne pas comprendre leur réaction. En quelques minutes, elles avaient pris connaissance de l'iceberg qu'était mon quotidien. Elles étaient dans l'ignorance que ce qu'il se cachait sous l'eau était pire. Charline avait été conviée par mes soins, sous les désapprobations d'Alexianne. Selon elle, mon amie n'avait pas sa place, elle n'était pas aussi proche de notre trio. Peu importe, elle nous avait rejoints sur le banc de mon enfance, face à la petite aire de jeu, non loin du kiosque blanc.

J'avais l'habitude de venir dans cet endroit.

À présent, les murs du parc abritaient mon histoire et les réactions plus que bouleversées de mes trois amies où leurs étreintes m'avaient enseveli.

Une deuxième vibration du message, je sortis de mes pensées.


« Bonjour ma princesse, j'espère que tout se passe à la maison. De mon côté, ça va, fais ma popote et passe du temps avec bout de chou. (...) Et, je te fais des gros bisous et bon courage pour ton corset. Je sais que tu es stressée et que tu as peur, mais rappelle-toi que c'est pour ton bien et pour ta santé. Et, écoute-moi bien, tu es forte et tu es une battante. Alors, tu vas y arriver. Je te le promets. Courage ma princesse. PS : j'ai hâte de te voir et que tu me racontes tes petits potins. Je t'aime, gros bisous. »

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