Octobre (2)

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« Et quand vous parlez des roses il faut pas oublier les larmes. »

Jean d'Ormesson

UNE VALLÉE DE LARMES

Vendredi 5 octobre

L'air iodé et la sensation du sable chaud se firent remplacer par les sons stridents de la sonnerie et l'inconfort habituel de mon orthèse. Le sac à mes pieds, calé entre, personne ne me le piquerait, nous passions le temps. Éléonore était à quelques pas, discutant joyeusement avec d'autres filles, ses amies. Après notre conversation, sa silhouette corset, comme j'aimais l'appeler, s'offrit à mes yeux curieux. Plus grande que moi et plus fine, le corset lui allait. Elle était belle, ses cheveux bruns lui tombant au niveau des épaules, ses nombreux bracelets décorant ses poignets. Je l'enviais. Son aura dégageait la confiance et l'assurance écrasant la mienne, trop petite. La tête tournée vers la droite, la porte vitrée où se trouvaient des élèves sur le balcon du quatrième étage, je réfléchissais. L'ambiance était candide, mes camarades ne me voyaient plus.

Les pas dans l'escalier à ma gauche brisèrent ma bulle pensive. Les cheveux longs et ténébreux de ma professeure, sa voix chantante invita les élèves à entrer.
Cette salle d'espagnol, elle avait su bercer mes cauchemars sans alimenter mes rêves. La pièce où se regroupait dans le même modèle qu'un diner américain les tables. Loin des serveurs et serveuses roulants plateaux en main. Chacun prit sa place attitrée. Face à moi, le visage de cette fille, mon regard se détourna aussitôt d'un contact visuel établi.

Comment lui échapper ?

— Bien, maintenant que tout le monde est prêt, nous allons travailler sur un nouveau sujet aujourd'hui, annonça notre professeur toujours aussi énergique.

Dos à nous, la main à quelques centimètres du tableau, les mouvements furent rapides. En rebouchant le capuchon du stylo, elle lut,

— El dìa de los Muertos.

Les consignes nous furent délivrées par la suite. Nous devions faire des recherches et une présentation correspondant à une particularité de cette tradition mexicaine. Chaque groupe possédait plusieurs ordinateurs. Éléonore à ma gauche, un ordinateur pour nous, nos trois autres camarades en partagèrent un. Une page sur internet ouverte, l'explication de la fête sous nos yeux. « C'est une tradition célèbre au Mexique. Cela se passe entre le 31 octobre et le 2 novembre. C'est à ce moment-là qu'on rend hommage aux morts. C'est très festif et très coloré. Chaque famille prépare cette fête en mettant un autel à plusieurs étages. Où l'on pose souvent la photo du défunt et des objets personnels lui ayant appartenu de son vivant. »
Cette fête était une autre manière de rendre hommage aux âmes perdues. La distance était cruelle, les souvenirs quant à eux restaient intacts, enfouis profondément dans les cœurs.

— Vous commencez, on continuera après, ordonna celle qui hantait mes nuits d'une voix ennuyée.

— La professeure a demandé à ce que cela soit un travail de groupe, rétorquai-je faiblement.

Éléonore acquiesça, me montrant son soutien.

— Oh, elles m'emmerdent ces deux-là, affirma-t-elle en direction de son voisin, assez fort pour que nous puissions profiter de son avis constructif sur nos personnes.

Leurs deux rires couvrirent le blanc du groupe, leurs iris nous dévisagèrent et son regard insistant sur moi, déclencha l'incendie faisant colorer mes joues.

— Rose, fais gaffe, tu deviens rouge. Un verre d'eau pourrait peut-être te rafraîchir, proposa-t-elle ironiquement.

Une petite flamme prit naissance dans mon ventre. Son sourire narquois dessinait à l'indélébile, l'aggrava.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant