Octobre (6)

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Point virgule

Tout se brouillait dans ma tête, je subissais les flammes qui traduisaient encore ma colère.

Comment réfléchir de manière cohérente lorsque tout brûle en soi ?

L'écho de l'ultimatum de Victoria avait réussi à se frayer un chemin parmi les braises. Parler ou se taire à jamais.

La parole devenait donc la porte de sortie pour de nombreuses situations, même critique, les mots avaient réussi à me relever.

Mes yeux incarnèrent ce mélange entre le rouge et l'orange, des couleurs chaudes reflétant le sentiment que me provoquait le passé avec celle qui se tenait à présent sur la murette. Mon regard ne croisa pas le sien, préférant contempler la lune au-dessus du toit pointu de la maison.

— Pourquoi tu m'as abandonné ? murmurai-je au travers des nombreux sentiments péjoratifs que contenait ma voix.

— Je ne t'ai pas abandonné. souffla-t-elle, sa longue robe mouvant par les mouvements de ses jambes qui se balançaient dans un rythme synchronisé. Je ne l'ai jamais voulu. Depuis que tu as rencontré Charline, j'ai senti notre amitié se fragilisait. Tu passais beaucoup de temps avec elle. En oubliant presque que j'étais là, moi aussi, me reprocha-t-elle d'une voix plaintive. Et Clémence m'a conseillé de m'éloigner de toi parce que cette situation m'affectait beaucoup plus que je ne le pensais. Elle a su m'aider. annonça-t-elle dans un sarcasme.

Sa tête se baissa vers ses pieds chaussés de petites ballerines.

La vulnérabilité n'était pas une caractéristique que j'associai à Alexianne, forte, grande gueule la définissait, en apparence.

Deux choix s'offraient à moi.

L'écouter et prendre celle que je considérais tant dans mes bras, ou choisir l'ignorance et la regarder impuissante se délivrer de son masque. La culpabilité n'était pas aussi forte que le feu dans mon être, ou si ? Était-ce une raison de pardonner son absence pendant un an ? Et Clémence, pourquoi lui avait-elle demandé de s'éloigner de moi ?

Plus je réfléchissais et plus je réussissais à sentir l'eau. Ce liquide translucide qui éteignait le feu, lui-même, s'alimentant par la haine que j'éprouvai envers la personne face à moi, sa chevelure rousse plus courte se révélant sous les lumières. Je préférais l'orange de ses cheveux à celui qui crépitait dans mes entrailles, celui qui dégageait la fumée lorsqu'ils embrassaient l'eau, créant un échange chaud. Ses bras me manquaient, son contact avait disparu dans mes souvenirs. L'absence avait eu raison de notre amitié, le manque de communication l'avait enterré.

Combien de fois ai-je voulu l'appeler, lui raconter ce qu'il se passait. Je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais failli sauter le pas et lui envoyer un message.

Ma psychologue avait raison, c'était à moi de contrôler les vagues et de les surfer ou de les utiliser pour atténuer le feu qui m'alimentait. Le fait de m'être forcée à me remémorer ces moments tristes distrayait ma colère qui diminua drastiquement. Tellement que sans m'en rendre compte, je m'installai sur l'herbe qui commençait à envahir la murette, à même le sol, de peur que mes collants ne se filent sur la pierre. D'un signe de main, Alexianne me rejoignit, se calant à quelques centimètres de moi. Nos épaules purent se frôler, un léger mouvement et le contact se renouait.

— Ça a été dur sans toi. Après que ma relation avec Clémence se soit terminée, j'ai eu beaucoup de mal à remonter la pente.

Ses genoux repliés sur sa poitrine, ses bras les entouraient. Elle fixa le mur en pierre éclairé par la faible lumière qui émanait des lampadaires de la rue. Quand Victoria m'a proposé de te revoir à cette soirée, je n'ai pas hésité une seule seconde.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant