Mai (1)

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JAMAIS DEUX SANS TROIS

Tradition ou uniquement dans la famille Sorena, le brin d'ailler se fêtait. Occasion ou excuse de se réunir autour d'un copieux déjeuner.

1 mai

Ma mère, cheftaine de l'organisation dans le foyer, vérifia chaque détail sans lâcher des yeux sa montre, de peur que le retard ne nous rattrape.
Malgré sa transmission de ce savoir, il me restait encore beaucoup à apprendre. L'élève était loin d'avoir dépassé le maître.

— On part dans cinq minutes, hurla-t-elle au pieds de l'escalier qui desservait l'étage où se trouvaient les chambres.

La porte de celle de mon frère s'ouvrit, indiquant que celui-ci était prêt dans les temps. La mienne resta à demi ouverte sur le couloir. Mon attention se trouva préoccupée par une recherche intensive, oubliant rapidement la consigne de ma mère.

Leur conversation se brouilla au son des portes de placards au-dessus de mon lit qui s'ouvraient et se refermaient aussitôt sous mon impatience.
La boule, familière, grandissait, elle ne disparaissait jamais vraiment. Se cachant dans un coin de mon ventre et attendant de réapparaitre au moment propice. Les pas lourds dans l'escalier provoquant les craquements du parquet la développèrent. Mes mouvements devinrent brouillons et affolés, il fallait que je me dépêche.

Soudain, une silhouette se dessina dans ma vision périphérique.

— Mais qu'est-ce que tu fais ? s'indigna ma mère, ses bras croisés. On doit partir, accentua-t-elle d'une répétition de sa chaussure sur le parquet.

— Attends deux secondes, la boule prit de plus en plus de place. Elles sont où ?

La sueur recommença à perler sur mon visage hydraté.

— Mais, enfin, qu'est-ce que tu cherches ?
Son mouvement de pieds s'impatienta, aggravant mon rythme cardiaque.

— Lunettes de soleil, si mamie veut, pont, balbutiai-je continuant à fouiller frénétiquement chaque recoin de cette chambre.

Mes grands-parents paternels habitaient en campagne, ce qui me faisait prendre l'air sur la ville. Lors de mes vacances chez eux, nous aimions avec ma grand-mère nous promener sur les ponts.

— Tu ne pouvais pas t'en occuper hier de ça !

Un reproche.

Un seul suffit à inviter mon corps à devenir chef d'orchestre, imposant un rythme effréné à mon cœur. Par réflexe, une main se posa dessus. Elle pulsa sous les battements. De l'autre main j'aspirai à trouver cette paire et faire redescendre ce que j'appelai désormais une crise d'angoisse.

Dans un dernier espoir, j'attrapai une boîte qui se renversa sur mon lit et je me jetai à ses pieds tant l'instrumental dirigé par mon corps était puissante. Mon dernier espoir de les apercevoir, en fouillant, un petit boîtier rouge s'offrit à ma vue.
Elles étaient là.

À l'instant où elles furent dans mes mains, la musique s'arrêta et le rideau de scène tomba.
Je distinguai à nouveau la silhouette de ma mère. Ses prunelles traduisant l'impatience.

N'avait-elle pas remarqué ma crise ?

— En route, maintenant, s'exclama-t-elle d'une voix sèche et autoritaire.

Et comme elle fut venue, elle redescendit les escaliers, ses talons claquant sur le carrelage.
Sans m'accorder le temps de reprendre mes esprits, je me levai et attrapai mon corset posé depuis le début à côté du fatras que j'avais provoqué.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant