Juin (2)

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TW : harcèlement, propos violents

UN MOT DANS LA CLASSE

Mardi 13 juin

— Rose, 12, continue comme ça, c'est très bien. M'encouragea ma professeure d'histoire en distribuant les copies de notre dernière évaluation.

La feuille quadrillée devant moi, la note entourée sur 20 en rouge dans le haut à gauche, un petit sourire se forma sur mon visage.

— Elle a triché, accusa à voix basse un des garçons derrière moi.

Provoquant la perte de ce haussement des lèvres.

— Faut le dire à la prof alors, commenta de manière choquée sa voisine naïve.

— Laisse tomber, elle ira chialer si on fait ça. D'ailleurs, ça fait longtemps qu'on ne l'a pas entendu chouiner.

— C'est vrai, ajouta un autre à quelques tables écoutant la conversation.

— Vous en faîtes pas, après le cours, on a sport. On va bien rigoler dans les vestiaires. Sorena a besoin de comprendre que ce n'est pas bien de se comporter en madame, je sais tout.

Le cœur en miette, la fierté qui s'était immiscée avait pris la fuite, loin. Ma bonne nouvelle s'était retournée contre moi.

La classe était devenue oppressante. Plus leur conversation sur leurs projets me concernant se poursuivait, plus il me devenait difficile de rester immobile sur ma chaise. Mon cœur tambourina dans ma poitrine, accompagné par mon souffle inaudible. La vision du tableau devenue floue, de nombreuses étoiles le décorèrent. Sans réfléchir, j'alertai discrètement ma professeure pour sortir lorsqu'elle repassa devant ma rangée. Soucieuse, elle souhaita faire une annonce pour m'accompagner. Je refusai, argumentant du mieux que je pue sur ma capacité à sortir toute seule. Dans un grincement, ma chaise se recula, la classe s'agita. Leurs voix s'infiltrèrent dans mes oreilles, grignotant mon esprit. Avant qu'il n'en reste que des miettes, mon corps me guida vers la porte de sortie jusque dans la deuxième cour.

Mes yeux pointèrent vers le ciel couvert, je retroussai les manches de ma chemise, les bras grands ouverts. L'air s'infiltra sur mes cicatrices fraîches de la veille.

Chaque soir, mon corps accusait ce que mon âme subissait chaque jour.

Si mon souvenir était correct, cette position se nommait l'ange. Peut-être allais-je bientôt rejoindre le ciel ?

Je le souhaitai de plus en plus.

— T'es encore plus pathétique qu'à ton habitude, c'est dingue de voir à quel point tu peux être ridicule, Sorena.

Cette voix, cette horrible voix glaça mon sang. Rapidement, je me retournai, mon délégué. Notre professeur avait dû lui demander de venir me chercher. Le souvenir de mes bras découverts, je me hâtai de les couvrir.

— Oh, arrête de cacher tes merdes, tu fais tout ça pour qu'on t'accorde de l'attention. Me cracha-t-il avant de se rapprocher de moi. Son visage se retrouva face au mien, plus grand que moi, il baissa les yeux pour me mépriser avec dégoût. Écoute-moi bien. Ses doigts se permirent de soulever ma tête en s'aidant de leur prise sur mon menton. Le contact de sa peau sur la mienne, me paralysa instantanément. Arrête de jouer à la pleureuse et de te faire passer pour la victime. Ses iris dérivèrent des miennes, sa bouche se rapprocha de mon oreille, son souffle s'infiltra dedans. Des milliers de frissons parcoururent mon échine. L'octave de sa voix diminua au fur et à mesure que la distance de ses lèvres se réduisirent. Tu sais ce que tu es Sorena ? Pas de réponse attendue, parler ne servirait à rien, il m'avait déjà prise au piège. Crier n'arrangerait pas, il me ferait taire. Tu n'es rien, même pas un grain de poussière. Depuis que tu as mis les pieds dans cette classe, tu l'as pourri, comme tu l'es jusqu'à la moelle. Sorena, tu n'as aucune importance dans cette classe, dans ce collège et même dans cette vie. Pour le bien de tous, tu devrais partir. Dégage, loin. Ne reviens jamais, chuchota-t-il sévèrement. Les mouvements de ses lèvres frôlèrent mon cartilage, mon ventre s'en retourna. Ses cheveux caressèrent ma joue droite, à nouveau face à moi, écœuré de poser son regard sur celle qu'il aimait par-dessus tout persécuter. Estime-toi heureuse que je ne frappe pas les filles. Tu mériterais de finir sur le sol près du trottoir. Un rictus malsain se dévoila sur son visage à la suite de ce mot. Après tout, on sait tous les deux que ta réputation de salope n'est pas venue par hasard. Treize ans et déjà prête à ouvrir tes cuisses pour qu'on te considère un minimum.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant