Arras était une cité à la recherche de son identité. Industrielle et industrieuse, elle pâtissait de la concurrence de Lille et sa prospérité s'en ressentait.
Les coups de la Révolution, et plus encore de la Terreur, avaient marqué la ville.
Une ville en deuil de sa cathédrale, entièrement détruite par la folie d'un homme.
On montrait encore la place où se tenait Notre-Dame en Cité et quelques pierres, abandonnées, en marquaient l'emplacement.
Vendue, démontée pierre par pierre, cela avait duré des mois et la population avait assisté à la lente agonie de la magnifique église vouée à la Vierge Marie.
Des visages, pas si vieux, se tordaient de tristesse au souvenir de ces mois d'Enfer, sous le joug de Joseph Lebon, ami de Robespierre. L'homme, fervent Montagnard, avait brisé les cultes et ordonné plus de quatre-cent exécutions.
De quoi marquer les esprits et briser une ville !
L'abbatiale Saint-Vaast, marquée par les dégradations, avait survécu par miracle aux destructions et servait d'évêché.
Monsieur Madeleine voyait cela avec tristesse.
Les bâtiments mutilés n'offensaient pas sa sensibilité religieuse, car il était aussi noble pour lui de confiner sa dévotion à une cathédrale que de l'emmener dans une hutte. Mais ils étaient un rappel décourageant de la folie qui avait présidé à son siècle.
La Révolution avait contourné l'ignorant Valjean, ne lui laissant guère de traces autres que la peur.
À l'époque, la peur avait été contagieuse comme un fléau insidieux et omniprésent, mais pas pour autant intelligible.
Il lui avait fallu des années de lectures clandestines pour commencer à saisir les bouleversements de son temps. Il réalisait désormais la sauvagerie, le fanatisme, l'ignorance qui s'étaient mêlées aux desseins altruistes qui avaient guidé les hommes se réclamant de la justice.
Il n'y avait plus rien de leur glorieux humanisme, mais tout le reste demeurait sous le regard chagrin de Madeleine.
L'inspecteur Javert était moins touché par le sort des bâtiments. Il avait commencé à travailler pour le Gouvernement durant son adolescence. La politique a plus de mal à franchir les murs épais des bagnes et des prisons.
Toulon avait été un formidable lieu d'apprentissage de la politique et de ses différentes opinions. Javert n'était rien de moins que conservateur. Il croyait en ce que croyaient ses maîtres.
Que lui importait la couleur de la cocarde ? La Loi ne changeait pas en fonction de ceux qui gouvernent...ou si peu...
" La prison des Baudets sera un merveilleux lieu de villégiature," lança M. Magnier, content de voir cette affaire se terminer enfin.
Javert ne dit rien, il caressait l'encolure de son cheval avec douceur et cherchait des yeux monsieur Madeleine.
" Je vais demander audience auprès du juge. Le courrier est parti hier, nous avons rendez-vous sous peu," ajouta Magnier.
Nouveau silence.
Javert avait enfin capté le regard de M. Madeleine mais ce dernier était aussi paisible que d'habitude.
" Il faudrait chercher une place dans une auberge, lança enfin Magnier, la colère perçant dans sa voix. Vous vous chargez de cela, Javert ?"
Il fallut son nom pour le faire revenir au présent.
Javert acquiesça tandis que Magnier lui jetait :
" Dans une heure, vous nous rejoignez au tribunal.
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Montreuil
FanfictionEt si nous revenions à Montreuil-sur-Mer ? Souvenez-vous ! Il y a la mairie et juste en face le commissariat. Il y a M. Madeleine, alias Jean Valjean, et l'inspecteur Javert. Il y a un terrible jeu du chat et de la souris... Ecrit en collaboration a...