Chapitre XXXV

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Un jour comme un autre.

Javert vérifia son uniforme, une fois de plus.

Peut-être pour la dernière fois.

Il avait été si fier de porter l'uniforme de la police.

Si fier.

Un pas en avant pour sortir du caniveau. Devenir autre chose qu'un gitan. Forcer les gens à le remarquer.

Briser les préjugés.

Aujourd'hui... Javert ne savait pas trop ce que sa mère aurait pensé de lui.

Peut-être aurait-elle ri ?

Ou se serait-elle gentiment moqué ?

Elle l'appelait son "tikno" [son enfant] et elle lui peignait les cheveux. Les brossant, les coiffant, tout en lui chantant des chansons...

Son oncle était le seul qui s'intéressait à son avenir.

Peut-être lui serait déçu...

L'uniforme, l'épée, les gants, les bottes...

L'inspecteur était imposant.

Et il se dirigea d'un pas raide et martial vers la mairie.

Il avait joué et il avait perdu.

Javert n'était pas homme à déroger à son devoir.

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M. le maire attendait dans son bureau.

Sa table était complètement dégagée, son esprit était calme et sa détermination, ferme.

Il avait l'intention de gagner un peu plus de temps, et cela à n'importe quel prix.

Un jour de plus pour Fantine et Cosette. Le temps qu'il faudrait pour que les blessures de Javert se referment...

Lorsqu'il entendit le martèlement familier des bottes en chemin vers son bureau, il lissa sa redingote et jeta un regard inquiet autour de lui. Peut-être pour la dernière fois.

L'inspecteur Javert demanda une audience auprès de monsieur le maire. Quelque chose qu'il faisait rarement.

Sûr de sa place et de son rang. Sûr de son autorité et de l'importance de ses assertions.

Là, il n'était sûr de rien.

Javert tenait son chapeau à la main et lentement, le tordait...

Dans sa poche intérieure, la lettre de M. Chabouillet le brûlait...

Comment prouver l'identité de M. Madeleine ?

Un homme nommé par le roi. Un industriel reconnu par ses pairs. Un saint maire.

En le mettant à nu ? Devant tout le monde ?

Même ainsi, personne ne croirait Javert.

Et au lieu d'être simplement renvoyé de la Force, il se retrouverait lui-même au fond d'une geôle.

L'inspecteur songeait bizarrement à Gymont en ces heures tragiques.

Qu'allait devenir le farouche étalon une fois qu'il serait parti ?

Car il ne faisait aucun doute à Javert qu'il allait devoir partir.

Et que la Canche serait une jolie fin.

Ou alors la Seine...

Oui.

La Seine.

Au moins il n'y aurait pas de satané pêcheur pour l'empêcher d'agir.

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