Chapitre XXX

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La semaine de travail avait repris doucement et le mois de novembre commençait à peine.

Il pleuvait, il faisait humide et froid. Un automne glacé qui présageait d'un hiver encore plus désagréable...

Un jour, d'une morne grisaille, le député local, M. Maurice Callard, de retour de la capitale, vint rendre visite à monsieur le maire.

" Mon bon Madeleine ! Si je m'attendais à vous trouver là ! Votre disparition subite du mois dernier a inquiété toute la ville.

- Ah ! Les affaires... Vous savez comment cela se passe. Bonjour, monsieur le député."

Le député local serra la main du maire avant de s'asseoir confortablement devant la cheminée et de commencer à tripoter le chapeau qu'il avait perché sur son genou.

" Dommage que vous ayez choisi ce moment précis pour vous absenter. Votre adjoint vous a-t-il informé du recours qu'il a dû formuler en catastrophe ? Je me suis proposé pour le livrer en main propre à Paris. C'était sur mon chemin..."

Madeleine sortit de derrière son bureau et se rendit à la petite table pour servir à Callard la goutte de porto qu'il allait bientôt lui réclamer.

Un recours. On leur avait donc refusé des subventions.

Mais Madeleine ne parvenait pas à croire que Vanderkoeven ait été capable de formuler un recours : il manquait d'initiative et était beaucoup trop indolent. Ce recours ne pouvait être que l'œuvre de Javert !

Pourquoi ne lui avait-il rien dit ?

Il était vrai que leurs réunions matinales avaient été bien courtes ces derniers temps... Javert ne faisait que le troubler et s'enfuyait après l'avoir perturbé.

Un sourire amusé et un regard espiègle.

Que le mouchard savait faire disparaître dès qu'il passait la porte de monsieur le maire.

" Et je suppose que vous allez me donner des nouvelles de l'appel, dit Madeleine.

- En effet, car je reste toujours au service de notre petite communauté. Bien que dans ce cas particulier, les avantages pour moi soient minces : il n'y a pas d'électeurs dans le quartier des Moulins.

- C'est vrai," avait répondu Madeleine, tout en réprimant l'élan d'apprendre à monsieur le député la valeur d'une vie humaine. À l'aide de quelques torgnoles.

Callard accepta le petit verre de vin avec un sourire gourmand aux lèvres.

" Il y a une manœuvre politique derrière les rejets réitérés, Madeleine. J'ai pensé qu'il valait mieux vous le dire avant que votre appel ne soit refusé aussi.

- Comment cela ?

- Ils vont invoquer un vice de forme pour faire tomber l'affaire dans les oubliettes. C'est simple : de gros entrepreneurs de l'Aisne comptent déjà accaparer les subventions. Votre projet est tout simplement inopportun."

Madeleine fit tourner le petit verre à pied entre ses doigts. Il se perdit un instant dans les éclats d'ambre que le feu lui arrachait.

" L'une des premières choses que j'ai apprises est qu'une manœuvre politique peut être contrée par une autre, ajouta Callard.

- Ah !

- Je pense qu'il est grand temps que vous rendiez visite à notre amie commune, Mme Dulong de Rosnay. Samedi prochain, son salon sera très bien fréquenté. Et emmenez Vanderkoeven avec vous pour vous aider. Après tout, c'est lui qui a rédigé le recours et doit connaître les spécifications techniques mieux que quiconque.

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