✧ Chapitre 14 ✧

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Après avoir mangé, Thaalya alla prendre l'air, emportant avec elle son petit carnet de dessin et son crayon de bois. Aller dormir maintenant n'aurait servi à rien, elle avait la tête encore trop encombrée pour cela. En sortant dehors sous le ciel orangé, la jeune femme croisa plusieurs matelots qui sortaient du réfectoire. Ne souhaitant pas vraiment croiser Thomas maintenant, elle hâta le pas afin de rejoindre le gaillard avant, les cheveux secoués par la brise du soir.

Les hommes qui avaient fini de manger commençaient à ranger le pont de tout ce qu'ils avaient utilisé dans la journée : matériel de nettoyage, cordages, barils déplacés pour qu'au petit matin, tout soit en place. Ils profitèrent ensuite de leur habituel petit moment convivial autour de quelques jeux de dés ou d'anecdotes croustillantes, même si après tant d'années passées ensemble, les nouvelles histoires se faisaient rares. Thomas serait sans doute la source de nouvelles anecdotes alléchantes pour eux.

Arrivée devant la proue qui se dressait au-dessus des flots, la brune se tracta au-dessus de celle-ci à la force de ses bras, avant de se lever en agrippant fermant les cordages, le cœur battant. C'était toujours à cet instant précis qu'il y avait le plus de risque de basculer d'un côté ou de l'autre de la proue et de passer par-dessus bord. Mais il s'agissait d'une sensation qu'elle recherchait et appréciait. L'adrénaline avait parfois quelque chose d'addictif.

Alors qu'elle avançait prudemment sur la longue poutre en bois, le vent fit valser ses boucles brunes autour de son visage concentré. Cela ne la déstabilisa pas : elle parvint sans mal à s'asseoir en tailleur, le dos appuyé contre plusieurs cordages sous tension.

Le soleil était en train de disparaître à l'horizon, teintant le ciel de ses magnifiques nuances orangées que la pirate aimait tellement. Cette dernière jeta un rapide coup d'œil aux vagues en dessous de la proue, qui se brisaient contre la coque robuste du Liberate. Par reflet, elle aperçut sa petite tête dépasser du buste de Sorath. La magnifique sculpture du Dieu des Pirates la soutenait, elle et la proue, les bras tendus vers l'horizon. Un Kraken se trouvait dans ses paumes, ouvertes en direction du ciel. Ses longs tentacules destructrices encerclaient les bras nus de Sorath, comme pour essayer d'atteindre son cou, d'où il pourrait venir à bout de la divinité. Ou alors, on pourrait aussi interpréter cela comme le don du Kraken par Sorath aux Quatre Océans de Meeryn. Les messages étaient divers et dépendaient de la personne qui s'y intéressait.

Thaalya, elle, grâce aux ailes élancées de l'homme divin et de ses bras tendus vers l'avenir, ne voyait là qu'une invitation à la découverte, à la liberté. Le Kraken n'était que le symbole des Keppler. Il était donc normal de l'avoir ajouté à la tête de proue, sans forcément d'interprétation.

Lorsque Thaalya releva la tête en sortant son petit carnet, le soleil avait déjà été mangé de moitié par l'horizon. Alors elle prit rapidement son petit crayon de bois, ouvrit son calepin et commença à laisser libre cours à son imagination, le cœur lourd.

Guidée par son inspiration, sa main commença par effectuer de longs traits divagants sans but. La brise du crépuscule ne laissa pas de répit à la feuille, qui ne cessait d'onduler comme pour prendre son envol, hors du carnet. Concentrée, la brune ne la laissa pas aller au gré de ses envies libératrices, et fit de son mieux pour la maintenir dans son ouvrage, les sourcils froncés.

Tandis que les derniers rayons du soleil se reflétaient en douces lueurs flamboyantes dans ses cheveux bouclés, une voix interrompit ses pensées tranquilles :

– Je t'ai cherché toute la soirée ! Tu voulais pas me voir ? s'exclama Thomas, un sourire léger aux lèvres.

Il était accoudé au rebord de la proue, le regard rivé sur elle.

Meeryn's Tales - Edimas : Tome 1 [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant