Musique : Duck Shoot (Rupert Gregson-Williams)
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Quand le guet du Liberate annonça le retour d'Orel et ses hommes d'un coup de cloche, toute activité s'arrêta. Les tonneaux retombèrent au sol avant même de trouver place à leur emplacement, les serpillères furent jetés dans les seaux d'eau brunâtre et les escaliers grincèrent sous les pas pressés de l'équipage.
La rareté du bruit de cette cloche défiait tout ordre imposé à l'équipage. Lorsque cette dernière sonnait, il n'y avait plus qu'une chose à faire : se regrouper sur le pont supérieur et espérer que les mauvaises nouvelles ne soient pas si graves.
En quelques minutes, tous les hommes s'étaient réunis contre le garde-corps qui faisait face au continent. Certains se penchaient déjà par-dessus, dans l'espoir d'apercevoir plus distinctement les trois tâches sur l'eau qui voguaient dans leur direction.
La mer renvoya alors vers le ciel les reflets de visages inquiets, à la recherche de frères partis trop longtemps et maintenant peut-être indéfiniment.
Les chaloupes étaient trop éloignées pour connaître la raison de l'utilisation de la corne d'alerte. Seul le guet, perché au-dessus de leurs têtes, savait quel malheur les avait frappés.
Un silence terrible suivit l'annonce de leur retour. Chacun était trop concentré à essayer d'imaginer la raison de ce retard tardif pour oser murmurer la moindre théorie.
Il fallut encore attendre de longues minutes pour parvenir à faire la distinction entre la cargaison et les hommes qui la ramenaient. A partir de cet instant, ceux ayant une bonne vision furent en mesure de compter le nombre de matelots à bord.
Si la quantité de matériel rapporté avait drastiquement augmentée, celle de l'effectif humain avait, elle, chutée.
Au total, les chaloupes ne comptaient que six silhouettes assises, en train de ramer, sur les neuf qui étaient parties.
Le silence devient encore plus lourd, malgré les cris des mouettes aux alentours.
Des bruits de talon précipités déboulèrent sur le pont. Quelques visages anxieux se tournèrent vers la capitaine qui s'approchait à grand pas, le visage inexpressif.
Comme si elle avait deviné bien avant eux la raison de leur retard et de cette annonce à la cloche inquiétante, Marta Keppler se fraya un passage jusqu'au garde-corps sans le moindre mot ni le moindre tremblement. Elle tenait à sa main une lunette en cuivre, qui ne la quittait plus depuis des semaines.
Marta s'arrêta au bord du navire et porta l'outil à son œil droit, silencieusement. A la voir effectuer ces gestes sans aucune hésitation, elle semblait parfaitement maîtresse de la situation.
Elle fit défiler l'oculaire sur la surface de la mer jusqu'à trouver la première barque. Deux hommes s'y trouvaient de dos. Ils portaient chacun une chemise maculée de sang. Elle n'avait aucun moyen de déterminer s'il s'agissait du leur ou non.
Dans la seconde embarcation se trouvait un autre duo. Aucun ne portait de manteau en cuir. Ses doigts se crispèrent légèrement autour de la lunette, ce qui n'échappa pas aux quelques matelots se trouvant à ses côtés.
Lorsque son unique œil se posa sur la dernière chaloupe, tout son corps se relâcha.
Orel était assis dans celle-ci, en train de ramer vigoureusement avec l'un de leur homme.
Malgré la vague de soulagement qui déferla dans son corps, une pointe d'anxiété compressa sa poitrine. L'absence de trois membres de l'équipage à bord des chaloupes ne présageait rien de bon. Autant pour la gestion du navire que pour le moral de l'équipage...
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Meeryn's Tales - Edimas : Tome 1 [EN COURS]
FantasiaThaalya n'a de célèbre que son nom. Thomas n'a de succès que ses tourments. Marta et Orel n'ont de bonheur que leur famille. Ensemble, ils vont devoir apprendre à survivre dans un monde divisé, à bord de l'un des navires pirates les plus mystiques d...