Quatre. Au rythme du vent.

135 9 44
                                    


L'anxiété m'a appris une chose.

Si tu ne dialogues pas pour obtenir des réponses concrètes. L'anxiété, elle, créera des réponses imaginaires.

Qui deviendront, avec le temps, des vérités absolues dans ta tête.

Dans ma ... tête.

Mais le dialogue m'est interdit. Le sujet est devenu tabou, presque aussi vite que le drame en lui-même.

Le seul avec qui j'arrive à partager mes souvenirs, mes peines, mon manque ... C'est Sandro. Lui aussi plongé dans un sacro-saint "deuil silencieux" à peine murmuré.

Même par nos parents.

On ne l'exprimait pas de la même façon. Mais les traces étaient visibles, seulement de nous deux. Sandro allait souvent dans "sa" chambre, il savait que là-bas, personne n'irait le chercher.

Même pas moi.

Surtout, pas moi. 

Une porte, relie nos deux chambres. Mais depuis mars, elle reste close. Définitivement froide.

Les semaines passent, sans que je comprenne l'échelle du temps qui s'écoule. On me parle des premiers examens avant les fêtes de la Toussaint.

Je m'en fous.

Tout le lycée parle de la fête de la Toussaint.

Je m'en fous, fois deux.

Les tabloïds se lassent de partager les photos de la soirée d'anniversaire d'Eva. Ils s'amusent à faire des photos montages de moi, m'inventent des relations amoureuses avec je ne sais qui.

Une photo en particulier, au bras d'un mec à la sortie d'une boîte de nuit. On nous prête une idylle secrète, des fiançailles en grande pompe, jusqu'à des sélections de robes de mariée.

La vérité là-dedans?

C'est juste un plan cul parmi d'autres. On ne parle pas des mêmes "grandes pompes".

La surveillance accrue par le doberman de mes parents s'effiloche. Parfois, il a un surcroit de conscience professionnelle, et nous pistes aux culs.

Plus moi, que mon frère d'ailleurs. Je pense que la carrure de Sandro l'impressionne bien plus que la mienne en cas de conflit.

Il m'imagine plus "gérable".

Mon père nous rabâche en boucle notre manque de solidarité "familiale" ... cette bonne vieille rengaine. Elle a le même impact qu'une blague Carambar répété tous les jours pendant, disons ... quatre générations.

C'est la signature des De Luca. Faire semblant, à qui veut bien le croire, que nous sommes une famille-modèle, unie, accablée par le deuil, solidaire.

Mon cul en poster.

L'avantage avec ce genre de connerie, c'est que je n'ai pas besoin d'y mettre les doigts pour gerber...

J'ai de plus en plus de mal à garder mes repas ... tout aliment qui passe ma bouche, et en CDD dans mon estomac.

Dans le fonds, c'est l'interdiction de parler de lui qui est la pire... Emmett me manque. Je ne sais pas s'il existe un mot plus fort que le manque, le vide? Le néant?

Non ... la mort.

La mort à cette notion d'infinité qui me donne le vertige.

La version officielle, est une crise cardiaque ... je pourrais en pleurer de rire si n'était pas aussi dramatique. Qui fait une crise cardiaque à dix-sept ans? Qui?

Viens on s'haine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant