Trente et un - Haut les cœurs.

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Trois semaines.

Trois semaines qu'on me trimballe de droite à gauche. Qu'on m'exhibe comme une pouliche de compétions la veille de fontainebleau.

Trois semaines, que je ferme ma gueule, pour le meilleur et pour le pire. Que nous jouons le jeu avec Lincoln, au parfait petit couple en devenir.

Un "devenir" qui, aujourd'hui , m'oppresse bien plus, que ce à quoi je m'étais préparé.

C'est si .... étouffant. Tout tourne autour de nous, le moindre de nos faits et gestes est épié, décortiqué, exposé et débriefé.

Le fait que les premiers sondages annoncent mon père dans le top trois des candidats en lice nous expose encore plus. L'obligeant à revoir les dates de ses conférences.

Enfin, obligé ... Il est heureux et est fier comme un putain de coq. Il parade parmi la foule, sourit, serre plus de main qu'une prothésiste ongulaire. Il évolue dans ce monde comme s'il y était né. Il s'avance dans cette foule déjà conquise, acquise.

Ma mère parade à son bras comme la pouliche en chef. Le menton haut, elle sourit de bonne grâce, avec cette courbure dans les lèvres, celle qui remet les gens à leur digne place. En dessous.

Moi inclus.

Henry De Clermont n'est pas toujours présent, et c'est bien là mon seul réconfort. Sa présence me donne des aigreurs, et visiblement, je ne suis pas très douée pour le cacher.

Qu'est-ce que j'en ai à foutre?

Absolument rien. 

Trois semaines, que je ne vois pas mes amies, que je croise Lior en coup de vent ... ça me tue. Mais chaque minute volée et une possibilité de nous évader, loin, ensemble. Et souvent, j'aimerais que cette idée ne soit pas que métaphorique.

Lincoln trinque avec une duchesse de j'sais pas d'où, un sourire radieux illumine son visage. Il a ce talent iné, de pouvoir parler avec n'importe qui, feint de s'intéresser réellement à la conversation, alors que dans sa tête il joue de la flute.

Zéro vanne, il me l'a lui même avoué. 

Si seulement je pouvais donner le change aussi bien que lui. Au lieu de quoi, je semble particulièrement ennuyante aux yeux de nos convives. Mais après tout, je ne suis que la fille de leur peut-être futur sénateur. Mais aussi "l'officielle" de l'héritier De Clermont. On n'attend pas de moi que je tienne une conversation riche.

On exige de moi que je sois la plus belle des plantes vertes. Mais surtout, que je ferme ma gueule. 

Ce qui m'offre, je l'admets une échappatoire confortable ... je suis là, j'écoute, j'acquiesce et observe. Ni plus ni moins.

Je ne quitte jamais le bras de Lincoln, là, est dorénavant ma place.

Sandro est là aussi. Mais étant le "fils", il occupe une place que je ne lui envie pas. Celle qui se trouve à la droite du père ... et celui-ci n'est pas un saint.

"Il apprend" dit ma mère. "Je le positionne" dit mon père.

Vous le "piéger" hurle mon cœur.

Aussi souriant qu'il puisse être, ça fait deux bonnes heures qu'il arbore un sourire forcé. Il semble agacé, contrarié ... vivement que cette soirée de merde soit terminée et que je puisse le rejoindre, j'ai besoin qu'il mette des mots sur sa tristesse.

Nous avons pris l'habitude de nous retrouver tous les trois dans sa chambre. Plan mis en place dès les premiers jours. Quand, nos parents, soucieux des "quand dira-t-on" et de mon "image", ont exigé que ma chambre soit en face de la leur, et garder par le garde du corps de ma mère.

Viens on s'haine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant