Deux. Nuage de vie.

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Les jours passent, et je m'enferme dans cette routine si bien ficelée.

Mon père a catégoriquement refusé que je reprenne les cours par correspondance. M'obligeant de ce fait à assumer, pour eux, les secrets qu'ils m'imposent.

Je dois m'en tenir à la version officielle. Je dois, "faire semblant".

Toujours ...

Et connaissant mon paternel, j'ai plutôt intérêt à m'en tenir au plan.

Ezra De Luca, sénateur italien, en lice pour les présidentielles du pays, dans trois ans. Digne héritier d'une richissime famille d'hommes d'affaires. Rien que ça...

Il ne souffrira d'aucun autre faux pas de ma part.

Ma mère, elle joue dans la catégorie des pouliches de luxe. Ancienne mannequin de renom, elle a quitté le domaine de la mode pour se consacrer à sa famille.

Par contre, va savoir laquelle. Certainement pas la nôtre.

Elle passe son temps entre Rome et Venise, passe par Paris, quand son avion est obligé d'y faire une escale.

Mon père n'est pas plus présent. Au-delà du fait qu'il est une véritable raison de ne pas être là, à savoir qu'il travaille beaucoup. Il n'a pas l'air de souffrir de cet éloignement.

On ne lui manque pas.

En tout cas, il n'en montre aucun signe.

Je déjeune sur le mange-debout de la cuisine. Mina, notre gouvernante s'active à tout préparer. Ma mère a le culot de n'être jamais là, mais quand elle vient, elle a un regard sur tout, et se permet de le faire savoir.

Mina est sous pression, et j'ai de la peine pour elle. Elle est ce qui se rapproche au mieux d'une mère pour nous. Sandro, reste à côté de moi. Dévorant ses "graufres".

Dixit, une "Graufre" égale une "grosse gaufre".

Heureusement que je l'ai encore lui. Sans quoi, je ne serais surement plus là non plus. Mina me jette des coups d'œil insistants, me signifiant que mon assiette ne se vide pas aussi vite que celle de mon petit frère.

Enfin "petit" la cave à vin, derrière lui prend moins de place.

Elle a forcément deviné mes TCA depuis le temps, mais elle a la délicatesse de ne pas soulever le sujet. Je bois mon cappuccino, et offre mes gaufres à Sandro.

Qui ne se fait pas prier pour les faire disparaitre. Sa croissance fulgurante est ma meilleure complice.

Après ce frugal repas, je laisse Mina creuser le marbre avec sa serpillère, et retourne dans ma chambre. Nous sommes samedi, c'est l'occasion parfaite de m'y enterrer.

Nous vivons dans un penthouse parisien. Beaucoup trop grand, beaucoup trop tape à l'œil. Mais dans le monde de la haute société, tout le monde joue à qui a la plus grosse bite. Et va savoir pourquoi, l'endroit où tu vis, en sont les couilles.

Le long couloir qui mène à ma chambre est interminable. La porte de Sandro est grande ouverte, me laissant admirer le bordel monstre qui y règne. Bon ... il a quatorze ans, donc le sol est jonché de jeux vidéo, la manette de sa console traine sur le canapé. La table basse entre les deux est recouverte de canette et de paquets de gâteaux vides.

Si Mina voit ça ... elle va câbler. Fort.

Je m'y arrête une dizaine de minutes, et arrange son début de crise d'adolescence.

- Laisse, j'allais m'en occuper.

En me relevant, je retrouve "la tornade" dans l'entre bâillements de la porte, les bras ballants.

Viens on s'haine.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant