Mords-moi

1. Harry, quoi

Fin mai 2023.

La vie, ça tient à pas grand chose.

Parfois, juste à un joint éteint qu'on a oublié d'écraser et à un plan à trois qui n'aurait pas dû s'éterniser autant.

Mes pères étaient-ils censés me retrouver ce matin complètement défoncé dans le salon de la Kappa Alpha Society, la maison de ma fraternité dans laquelle je vis ?

Non. Bien-sûr que non.

Okay, je ne sais actuellement plus où je campe. Okay, je suis à poil sur le canap' avec, pour seule couverture, les corps de la fille et du garçon qui se sont endormis à moitié avachis sur moi il y a trois heures à tout casser.

Mais pourquoi a-t-il fallu que mes paternels débarquent à l'improviste pour m'annoncer qu'ils allaient se marier ? Après 25 ans de vie commune !

Ça ne pouvait pas attendre que je rentre à la maison un week-end, non ?

En plus, je ne sais pas encore qu'ils viennent pour cela. Cette bonne nouvelle, ils ne me la diront que plus tard dans la journée. Pour l'instant, ils sont bien trop occupés à me gueuler dessus.

******

- Dis quelque chose, Jim ! répète mon père penché au-dessus de moi.

- Eum, mademoiselle et jeune homme, savez-vous où se trouvent vos habits et pourriez-vous nous laisser avec notre fils, s'il vous plaît ?

- Jimmy !

Papa n°1 vient de taper papa n°2 sur l'épaule.

- Ce n'est pas ça que je te demandais ! peste-t-il avant de me donner lui-même une douloureuse pichenette sur le front, me faisant froncer les sourcils en grognant. Harry réveille-toi bordel !

Il arrache le joint froid que je tiens encore entre mes lèvres devenues sèches.

- Tu savais, toi, que notre fils est un drogué ? demande-t-il à mon autre vieux, la voix chargée de colère.

Je ne me suis même pas rendu compte que je me suis endormi avec le joint dans la bouche et que ce dernier s'est éteint quand j'ai arrêté d'aspirer fort dessus.

- Mmmm, j'arrive à peine à grommeller, serrant un peu plus contre moi les corps chauds que je sens sous mes doigts.

- Harry Edward Styles, je te veux dehors dans cinq minutes. On va discuter mon petit père. Si tu crois que ton père se fait chier dans son cabinet d'avocats pour t'offrir des études pendant que toi tu dépenses notre argent à faire... ça, tu te fous le doigt dans l'œil !

Il faut toujours qu'il exagère. Là, il parle comme si mon autre père travaillait au bagne. Alors qu'il adore son métier.

Il est avocat spécialisé dans la santé et aide notamment les victimes de chirurgiens peu scrupuleux à obtenir réparation. Un métier qui paye bien et c'est lui qui nous fait vivre. Car malheureusement, papa n°1 touche un salaire plutôt dérisoire en jouant de la contrebasse dans un orchestre philarmonique. Mais tous les deux sont épanouis dans leurs métiers respectifs ce qui est, de nos jours, plutôt une chance.

- Ce n'est quand même pas le bagne, James, et j'aime mon job, rit papa n°2.

Ah c'est bien ce que je disais !

Mais il se tait subitement, sûrement statufié après un des célèbres regards noirs qu'adore lui lancer papa n°1.

- Tu travailles quand même dans un bureau toute la journée. Et on t'oblige à porter une cravate, explique ce dernier comme si ça voulait tout dire.