20. Trente Secondes

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Hana

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— Tu devrais faire quelque chose au lieu de bougonner toute la journée.

Les sourcils froncés, je me tournai vers Cerise. Je ne l'avais même pas entendue s'approcher, je la pensais encore occupée avec un client – certainement notre dernier de la journée. De toute façon, ce n'est pas comme si j'étais très concentrée. J'avais l'impression que mes pensées étaient encore plus sens dessus dessous que le jour où j'avais oublié cette commande. C'était comme si demander un peu de distance à Roxy avait fait l'effet inverse par rapport à ce que j'avais espéré. Elle était toujours plus omniprésente dans mes pensées.

Et je savais pertinemment que c'était exactement ce dont voulait parler Cerise. Ce n'était pas la première fois qu'elle me faisait une réflexion de ce genre.

— Je ne bougonne pas, râlai-je néanmoins.

— Si ! Tu ne fais que ça depuis trois jours ! insista-t-elle. Hana, tu sais que je t'aime, mais là tu es d'une humeur massacrante et c'est ça qui va faire fuir les clients. C'est la distance qui tu as instauré avec Roxy qui te déconcentre, pas ta relation avec elle. Je te l'ai déjà dit, mais je pense que tu as été trop dure avec elle. Alors fais quelque chose.

— Et qu'est-ce que tu veux que je fasse ? m'emportai-je.

— Parle lui ! C'est aussi simple que ça ! Envoie-lui un message, va à la soirée à laquelle elle t'a invité. Fais quelque chose, Hana, au lieu de te morfondre en attendant que ça passe. Avant que ça soit trop tard. Franchement, entre toi et Roxy, j'aurais jamais deviné que celle qui aurait du mal à communiquer, ce serait toi.

Je lui jetai un regard noir. Je respectais les conseils de ma meilleure amie, et elle avait raison de me bousculer parfois, mais ce n'était pas pour autant que j'aimais ça.

— Ne me lance pas ce regard, tu sais que j'ai raison, reprit-elle. Hana, qu'est-ce qu'il s'est passé l'autre jour ? Pourquoi tu recules ?

Son ton était devenu plus doux. Il y avait une tendresse chez Cerise qui parvenait à me rassurer et me mettre en confiance, assez pour que je lui parle de tout. Alors je capitulais, poussant un soupir et trouvant un de nos tabourets pour m'y asseoir.

— Il ne s'est rien passé de spécial, soufflai-je. Tout ce que j'ai dit était la vérité, j'avais vraiment peur d'être déconcentrée dans mon travail si je laissais trop de place à une relation. J'arrive pas à lâcher cette boutique, Cerise, j'arrive pas à m'en éloigner trop longtemps. J'ai besoin d'être là et de m'assurer que tout aille bien. Quand je suis là... je me sens proche de maman. Je ne veux pas risquer de perdre ça. Alors je pensais vraiment que prendre un peu de recul par rapport à ma relation avec Roxy était la bonne solution, le temps de trouver un meilleur équilibre. Mais finalement je ne fais que penser à elle, encore et toujours. Et j'ai peur de l'avoir blessée.

Cerise s'approcha de moi et pris ma main dans la sienne.

— Déjà, il va vraiment falloir que tu te détaches de cette boutique, murmura-t-elle comme pour éviter de me brusquer. Rien ne va lui arriver, et je suis sûre que ta maman serait très fière de toi. Je ne te demande pas de l'abandonner complètement, mais d'avoir une relation un peu plus saine avec cet endroit. Tu peux vivre ta propre vie, cela n'aura aucune incidence sur le magasin. D'accord ?

Je hochai la tête. Je savais pertinemment qu'il fallait que je travaille là-dessus. Je savais que j'étais trop attachée à ce lieu, au détriment de ma propre vie. Et parfois ça en devenait presque mauvais. Dès mes dix-sept ans, au décès de ma mère, j'avais tout donné pour faire perdurer son héritage, jusqu'au point de m'oublier. Et c'était encore ce que je faisais aujourd'hui.

BLOOMINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant