𝟑 - 𝐋𝐞 𝐟𝐢𝐥𝐬 𝐩𝐚𝐫𝐟𝐚𝐢𝐭

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𝐂𝐀𝐙𝐈𝐄𝐋

Une semaine.

Cela fait exactement une semaine qu'Orion n'est plus revenu en cours. Cinq jours. Cinq matins où son siège près de la fenêtre est resté vide, comme une cicatrice mal refermée au fond de la salle. Son absence plane dans le lycée comme une ombre persistante, impossible à ignorer. Les couloirs ont changé de ton. La cafétéria aussi. Même les profs parlent plus bas, comme si élever la voix pouvait réveiller quelque chose qu'on préférerait laisser dormir.

La mort de Lyra Van Der Wynn est partout.

Elle s'est répandue dans la ville comme un feu de forêt, brûlant tout sur son passage. Les rumeurs, les suppositions, les théories absurdes... Il suffit de cinq minutes dans un couloir pour entendre au moins trois versions différentes de ce qui s'est passé. Certains parlent de fugue qui aurait mal tourné. D'autres d'un rôdeur. D'un amant secret. D'un règlement de comptes. La créativité humaine est sans limite quand il s'agit de tragédies qui ne sont pas les nôtres.

Moi, ça me donne juste envie de vomir.

Ce vendredi-là, le match a été officiellement reporté à la semaine suivante. Motif principal : le meurtre de Lyra. Motif officieux : personne n'était en état de jouer correctement. Certainement pas moi. Maman n'a rien dit en me l'annonçant. Elle s'est contentée de poser sa main sur mon épaule, comme si ce geste simple pouvait compenser tout ce que ni elle ni moi n'avions le droit de dire.

Elle m'a fait promettre de me taire.

À Suz.

À Riley.

À absolument tout le monde.

Lyra avait seize ans. Elle avait un sourire lumineux, une manière de regarder les gens comme s'ils comptaient vraiment. Je ne lui avais jamais parlé plus de deux minutes d'affilée, mais même moi, je savais qu'elle était... spéciale. Elle laissait une trace. Et maintenant, il reste un vide que même ceux qui faisaient semblant de ne pas la remarquer ressentent.

Et puis il y a Orion.

Je pense à lui sans arrêt. Trop, sûrement. J'essaie d'imaginer comment on survit à ce genre de perte. Sa petite sœur. Sa responsabilité. Son ancre. Je les avais déjà vus ensemble. Lyra courait toujours dans son ombre, et lui la surveillait comme un garde du corps trop sérieux pour son âge. Je me rappelle l'avoir vu se lever brutalement un jour, furieux, prêt à en découdre avec un type qui s'était moqué d'elle. Il ne parlait pas beaucoup, Orion, mais quand il aimait, c'était viscéral.

Je me demande s'il mange. S'il dort. S'il arrive à respirer correctement.

Ce lundi-là, en plus, un détail me revient en tête, acide et dérangeant : je ne crois pas avoir vu Lyra au lycée le jour de sa mort. Est-ce que quelqu'un l'a remarquée, elle ? Est-ce que quelqu'un a noté son absence avant qu'elle devienne irréversible ?

Quand ma mère est rentrée cette nuit-là, vers deux heures du matin, j'ai su immédiatement que quelque chose ne tournerait plus jamais rond.

D'habitude, elle est calme. Rigide même. Une shérif droite comme un piquet, qui laisse le travail au bureau. Cette nuit-là, elle a claqué la porte plus fort que nécessaire. Elle passait des appels frénétiquement, sa voix basse mais tranchante résonnait dans toute la maison. Le prénom de Joey revenait souvent. Trop souvent. J'étais en haut de l'escalier, immobile, incapable de reculer, incapable d'avancer.

Une enquête pour meurtre était officiellement ouverte.

Et même si elle ne me l'a jamais dit mot pour mot, j'ai compris que ce n'était pas juste « une affaire ». C'était une blessure ouverte pour toute la ville.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant