𝟐𝟓 - 𝐏𝐮𝐢𝐬𝐬𝐞 𝐧𝐨𝐭𝐫𝐞 𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫 𝐧𝐞 𝐣𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐬'𝐚𝐫𝐫𝐞̂𝐭𝐞𝐫

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𝐎𝐑𝐈𝐎𝐍


On est tous assis, les assiettes encore vides devant nous, les verres à moitié remplis, la table parfaitement dressée, trop parfaitement, comme si quelqu'un avait tenté de fabriquer une normalité en carton-pâte. Personne ne parle. Absolument personne. Et ce n'est pas un silence confortable.

Je suis assis juste à côté de Caz. Son genou touche le mien sous la table, mais je sens qu'il est tendu. Pas la tension nerveuse habituelle qu'il a quand il s'apprête à faire une connerie, non. Quelque chose de plus profond, plus verrouillé. Il fixe son assiette comme si elle l'avait personnellement trahi. Sa mère est assise en face de lui, droite, impeccable, totalement shérif jusqu'au bout des ongles, sauf que ce soir, elle n'est pas seule. À sa droite, il y a Leandre. Le proviseur. Le père de William. Le mec qui, au lycée, passe son temps à faire régner l'ordre d'une voix calme et douce, mais qui là, dans cette salle à manger, tient simplement un verre de vin comme un type beaucoup trop conscient d'être la source du malaise général. William, lui, est absent.

Margaret, la tante de Caz, circule autour de la table avec les plats, comme si de rien n'était, concentrée sur sa mission diplomatique de "servir le dîner avant que quelqu'un n'explose". Elle pose les plats, rajuste une fourchette, vérifie une serviette, évite soigneusement tous les regards. Elena, elle, est littéralement en roue libre. Elle n'arrête pas. Elle parle, elle questionne, elle provoque, elle insiste. Elle alterne entre sa tante et Leandre avec un enthousiasme meurtrier.

— Alors, tante Allison... ça fait combien de temps que vous êtes officiellement en train de ruiner l'existence émotionnelle de mon cousin avec Monsieur le Proviseur ? demande-t-elle en souriant jusqu'aux oreilles.

Je manque m'étouffer dans mon eau. Caz, lui, serre les dents. Je le sens. Je le sens dans son silence, dans sa main crispée sur sa cuisse, dans sa respiration un peu trop lente.

— Elena..., grogne sa mère.

— Quoi ? Je me tiens au courant de la vie sentimentale familiale, c'est important.

Leandre toussote légèrement, visiblement plus mal à l'aise que jamais.

— Euh... un peu plus d'un an, répond-il finalement.

— UN AN ?! répète Elena comme si on venait d'annoncer un meurtre rituel. Et tout ce temps, PERSONNE n'a rien dit ?

Caz relève lentement la tête.

— Apparemment non.

Je ne crois pas que ça le dérange que ça dure plus d'un an, il me l'a confirmé il y a un moment, mais je pense que ce soit avec notre proviseur ça l'agace un peu ou le fait qu'il n'ait rien vu venir.

Sa voix est calme. Trop calme.

Je glisse doucement mon pied contre le sien sous la table. Juste un contact. Un rappel discret que je suis là. Il ne bouge pas, mais sa respiration change légèrement.

Margaret dépose enfin le plat principal au centre de la table.

— Voilà... mangez, dit-elle un peu trop fort, comme si la nourriture allait magiquement réparer la situation.

Elena, évidemment, ne lâche rien.

— Et alors ? demande-t-elle en désignant Leandre de sa fourchette. Il est comment en couple, le proviseur ? Autoritaire ? Romantique ? Il met des chemises même pour dormir ?

Je baisse les yeux pour ne pas rire. Caz, lui, est à mi-chemin entre l'envie de disparaître et celle de hurler.

Leandre sourit, nerveux.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant