𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄

𝟑𝟕 - 𝐋𝐚 𝐯𝐞́𝐫𝐢𝐭𝐞́ 𝐬𝐮𝐫 𝐋𝐲𝐫𝐚

𝐀𝐋𝐋𝐈𝐒𝐎𝐍

Je travaille depuis mon bureau, la lumière blafarde du plafonnier découpant des reflets pâles sur les piles de dossiers éparpillées. Le bruit régulier du chauffage est la seule chose qui me maintient éveillée depuis deux heures. Je partage cet espace avec Alec, mon ex-mari, quand il daigne venir jusqu'ici — et justement, la porte s'ouvre sur lui. Sa silhouette remplit l'encadrement, l'air plus fatigué que d'ordinaire, et un froncement de sourcils suffirait à deviner que les nouvelles ne sont pas bonnes.

Il pose un dossier sur le coin de mon bureau avant de s'asseoir, les épaules tendues, l'expression fermée.

— J'ai reçu les résultats du labo pour la photo, commence-t-il sans préambule. Rien. Les empreintes dessus sont celles de notre fils et de Lyra. Personne d'autre.

Je referme lentement le dossier que je tenais, l'esprit déjà en train d'analyser la portée de ce constat.

— Ce n'est pas surprenant, dis-je d'une voix plus calme que je ne le ressens. Peut-être que tu as raison, Alec. Il se pourrait que le meurtrier soit dans la police... mais j'ai encore du mal à l'accepter.

Il passe une main sur sa nuque, soupire longuement avant de croiser mon regard.

— Oui, je comprends. Ce n'est pas plus simple pour moi.

Un silence s'installe entre nous, lourd mais pas hostile. Les disputes, les reproches, les années de rancune semblent s'être dilués dans la peur partagée pour notre fils. J'aperçois son regard glisser discrètement vers ma main gauche, sur laquelle brille la bague de fiançailles que Leander m'a offerte.

— Depuis combien de temps, toi et Leander ? demande-t-il finalement, le ton mesuré, presque détaché.

— Un an. Officiellement, en tout cas.

Je soutiens son regard. Il esquisse un sourire sans chaleur, presque bienveillant.

— Et toi ? Tu as quelqu'un ?

— Oui, répond-il après une hésitation. Il s'appelle Marcus. Il est serveur.

— Hum...

Je hoche la tête, comme si cette information avait besoin de s'imprimer lentement dans ma mémoire.

— Tu n'as jamais dit à Caz pourquoi tu étais vraiment parti, n'est-ce pas ?

Il secoue la tête.

— Non. Et toi non plus, tu ne lui as rien dit.

— Ce n'est pas à moi de le faire, Alec. Tu attends quoi pour lui dire ?

— Quand la tempête sera passée. Quand tout ça sera derrière nous. Je veux qu'il rencontre Marcus... mais plus tard.

Je laisse échapper un rire bref, plus nerveux qu'amusé.

Son téléphone vibre sur la table. Il jette un œil à l'écran, et je devine sans peine de qui il s'agit au sourire qui s'invite sur ses lèvres fatiguées.

— Ah, c'est lui justement. Excuse-moi, dit-il en se levant.

Je l'entends murmurer en sortant :

— Chéri, tu vas bien ?

La porte se referme derrière lui, laissant retomber sur la pièce une quiétude pesante. Le bureau de Joey, sur ma gauche, est plongé dans l'obscurité. Pas de lumière, pas de bruit, rien. Je reste un moment à fixer cette absence, le front appuyé contre ma main, un goût amer dans la bouche. Je n'arrive pas à croire que l'un d'entre eux puisse être le meurtrier. C'est trop simple. Trop évident. Et pourtant... la logique de l'enquête me hurle le contraire.