𝟏𝟕 - 𝐃𝐞𝐬 𝐛𝐚𝐭𝐭𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐞𝐮𝐫

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𝐂𝐀𝐙𝐈𝐄𝐋


Avant de rentrer, ma mère s'était arrêtée à la pizzeria du centre. Elle avait décrété que « après ce genre de soirée, personne ne cuisine, c'est illégal », et honnêtement, je n'avais pas eu la force de protester.

Orion avait choisi une quatre fromages, ce qui ne m'étonnait qu'à moitié. Ma mère avait pris une margherita bien sage, « la seule vraie pizza », à l'italienne, évidemment. Moi, j'avais juste pointé du doigt la chèvre-miel sur le menu, par réflexe.

— Sérieusement, avait lâché Orion en se tournant vers moi, mi-amusé, mi-suspicieux.

— Quoi ?

— Chèvre-miel ? Tu le fais exprès.

— C'est une pizza, pas une déclaration politique, j'avais répliqué.

Il avait souri, ce sourire en coin qui me faisait toujours un peu trop d'effet, avant d'ajouter dans un souffle :

— J'y penserai différemment maintenant, c'est tout.

Ma mère, évidemment, n'avait rien compris à la private joke. Elle s'était juste contentée de hausser un sourcil avant de se concentrer sur la carte des boissons. Trois sodas différents, une grande bouteille d'eau, des ailes de poulet épicées et du maïs grillé étaient venus compléter la commande.

Elle n'avait posé aucune question quand je lui avais demandé si Orion pouvait dormir à la maison. Peut-être qu'elle avait vu dans ses yeux, ou dans les miens, que ce n'était vraiment pas le moment de discuter. Elle avait juste hoché la tête, doucement, avec ce regard-là, celui qui dit « je comprends » sans avoir besoin de le dire à voix haute. Et ça m'avait suffi.

Sur le trajet du retour, Orion était resté silencieux. Pas un silence froid ou gêné. Un silence lourd, mais pas hostile. Il regardait par la fenêtre la neige qui brillant sous les phares, le front appuyé contre la vitre, ses doigts serrés autour de la lanière de son sac. De temps en temps, je le sentais tourner la tête vers moi, comme s'il vérifiait que j'étais toujours là.

Depuis le match.

Depuis ma blessure.

Depuis la mort de Lyra.

J'avais réalisé à quel point il comptait. Peut-être plus que je n'avais été prêt à l'admettre.

Quand je reviens dans la salle à manger après avoir sorti les poubelles, l'odeur de pizza est déjà partout. Ma mère a mis la table, comme si c'était un dimanche normal, pas une soirée hommage à une ado assassinée dans notre lycée. Assiettes blanches, serviettes pliées, verres alignés au millimètre. Elle fait toujours ça : mettre de l'ordre dans le décor quand elle ne peut pas en mettre dans le reste.

Orion sort de la salle de bain à ce moment-là, et la vision me coupe presque le souffle... mais pas pour la raison attendue.

Il porte mon pyjama.

Mon pyjama trop petit.

Le t-shirt, gris clair avec un vieux logo des Ducks, lui moule les épaules comme s'il avait essayé d'enfiler un crop top par erreur. Les manches s'arrêtent à mi-biceps, et on dirait qu'un seul de ses bras fait la largeur de mon torse. Le bas de pyjama, lui, remonte un peu trop sur ses chevilles, laissant dépasser un bout de peau pâle entre le tissu et ses chaussettes.

Je m'arrête net au seuil de la pièce, incapable de ne pas le dévisager.

— ... Waouh, lâché-je sans réfléchir.

Il baisse les yeux sur lui-même, observe le t-shirt qui tire sur ses épaules, puis relève un sourcil dans ma direction.

— Tu as vraiment une taille d'enfant, Caz, dit-il avec un sourire en coin.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant