𝟑𝟑 - 𝐋'𝐚𝐮-𝐝𝐞𝐥𝐚̀

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𝐂𝐀𝐙𝐈𝐄𝐋


Où est-ce que je suis... ?

La première chose que je comprends, c'est que le silence est irréel. Pas un silence normal comme celui d'une nuit sans vent, pas celui d'une chambre endormie, non... un silence immense, total, écrasant, comme si l'univers entier avait été vidé de son bruit. Tout est blanc autour de moi, mais pas un blanc lumineux comme une salle d'hôpital, plutôt un blanc épais, brumeux, infini, un blanc qui n'a ni sol, ni plafond, ni limites. Je ne vois pas mes pieds. Je ne vois même pas vraiment mon corps. Je sens pourtant que j'existe encore, que je pense, que je ressens. Alors une question s'impose brutalement à moi, froide et terrifiante : est-ce que je suis mort ?

Je baisse la tête, pris d'un vertige soudain, mais sous moi il n'y a rien. Absolument rien. Le vide. Le même que tout autour. Et c'est à ce moment précis qu'une douleur invisible me frappe de plein fouet, comme si quelqu'un avait poussé mon corps dans un précipice sans fond. Je tombe. Je chute sans savoir dans quelle direction. Le blanc se déchire autour de moi comme un drap qu'on arrache, et pendant une fraction de seconde interminable, j'ai exactement la même sensation que sur ce manège au collège, celui que j'avais fait avec Suz et Riley, celui qui m'avait donné la nausée pendant des heures, celui que je n'ai plus jamais refait.

Puis l'impact.

Je m'écrase dans quelque chose de mou, de familier.

Un lit.

Mon lit.

En une fraction de seconde, tout change. Le blanc disparaît. Les murs réapparaissent. Ma chambre. La vraie. Mon bureau en désordre, les posters au mur, les vêtements sur la chaise, la vieille commode, la fenêtre avec la lumière du dehors. Je suis chez moi. Dans ma chambre. Dans mon monde.

Alors je ris.

Un rire nerveux, tremblant, fragile.

Ce n'était qu'un rêve, finalement.

Sauf que non.

Je sais que ce n'est pas un rêve. Je le sais au fond de moi, avec une certitude glaciale qui s'impose sans me demander mon avis. Je sais que j'ai eu un accident. Je sais que ma voiture a percuté quelque chose. Je sais que j'ai roulé, encore et encore, dans un fracas de métal et de verre. Je sais que mon corps est brisé quelque part dans le monde réel. Et surtout... je sais que je suis peut-être en train de mourir.

Ce que je ne comprends pas, en revanche, c'est pourquoi je suis là.

Pourquoi dans ma chambre.

Pourquoi entouré de mes souvenirs.

Je me redresse lentement sur le lit. Aucune douleur. Mon corps semble intact. Trop intact. Je regarde mes mains. Pas une égratignure. Pas une trace de sang. Pas de tremblement. Rien. La pièce est exactement comme je l'ai laissée. Trop parfaite. Trop figée. Et pourtant, quelque chose cloche. L'air est différent. Plus léger. Plus irréel. Et surtout... la lumière dehors n'est pas une lumière normale.

Depuis la fenêtre, une lueur éblouissante envahit la pièce. Pas une lumière du soleil. Pas celle d'un lampadaire. Une lumière blanche, pure, presque vivante, qui pulse doucement comme un cœur. Et je sais, sans qu'on ait besoin de me l'expliquer, que si je m'avance vers cette lumière, je ne marcherai plus vraiment. Je flotterai. Je m'élèverai. Et quelque chose en moi se détend déjà à cette idée, comme si la douleur, le poids, la fatigue de toute une vie commençaient à glisser loin de moi.

Je me lève du lit.

Mes pieds s'enfoncent à peine dans le sol, comme s'il était fait de nuages compressés. Chaque pas est plus léger que le précédent. Et plus je m'approche de la fenêtre, plus une sensation étrange se répand dans mon corps. Une absence de souffrance. Une disparition progressive de la peur. Mon cœur se calme. Mes pensées ralentissent. Tout devient plus simple. Plus doux. Trop doux.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant