𝐂𝐀𝐙𝐈𝐄𝐋
Riley disparaît au moment même où j'arrive devant l'entrée des Van Der Wynn. Il ne me pose pas de questions, et c'est tant mieux, parce que je n'ai absolument aucune réponse à lui donner. Pourquoi je suis là ? J'en sais foutrement rien. Sur un coup de tête, sans réfléchir, comme toujours. Peut-être parce que je m'inquiète pour Orion. Peut-être parce que rester planté chez moi à tourner en rond devenait insupportable. Sa moto est garée devant la maison, penchée sur sa béquille comme un fauve au repos, et la voiture de ses parents est là aussi. Une dizaine d'autres véhicules bordent la rue. Trop de monde. Trop de regards. Trop de tout.
Je me rappelle vaguement qu'aujourd'hui, c'était l'enterrement de Lyra.
Cette pensée me percute de plein fouet et me serre la gorge. Je n'y suis pas allé. Je n'ai pas osé. J'ai trouvé mille excuses, toutes plus lâches les unes que les autres. Et maintenant que je suis là, devant cette maison remplie de chagrin, je me demande si je n'ai pas fait une connerie monumentale.
Mon corps agit avant que mon cerveau n'ait le temps de paniquer davantage. Je tends la main et j'appuie sur la sonnette. Le carillon résonne dans l'air froid du début de soirée, beaucoup trop fort à mon goût. Une minute passe. Puis une autre. J'ai presque l'espoir stupide qu'on ne m'ouvrira pas, que je pourrai repartir en prétextant un malentendu cosmique, mais la porte finit par s'ouvrir.
Emily Van Der Wynn se tient devant moi.
Elle est plus grande que je ne l'imaginais, fine, le dos légèrement voûté sous un poids invisible. Ses cheveux sombres encadrent un visage marqué par l'épuisement. Ses cernes profonds jurent avec sa peau pâle, et ses yeux rougis disent sans détour à quel point elle a pleuré. Beaucoup trop.
Quand elle me reconnaît, la surprise traverse brièvement son regard. Elle me détaille, comme si elle tentait de comprendre ce que je fais là. Fils de la shérif. Camarade de classe d'Orion. Étranger à leur douleur.
— Caziel West ? Que puis-je faire pour toi ? demande-t-elle d'une voix hésitante.
Super, Caz. Maintenant parle normalement. Ne panique pas. Ne débite pas n'importe quoi. Spoiler : je fais exactement l'inverse.
— Bonsoir... euh... je... je voulais vous présenter mes condoléances, je commence maladroitement. Je sais que... enfin... que c'est peut-être pas le bon moment et que j'aurais pu attendre la veillée mais... je suis aussi venu pour Orion. Il a manqué pas mal de jours de cours, alors je me suis dit que je pourrais lui apporter les leçons... et les devoirs... enfin, ce qu'il voudra prendre...
Je parle trop vite. Beaucoup trop vite. Les mots sortent en vrac, se bousculent, se parasitent. Plus je parle, plus je sens ma nuque chauffer. Je dois avoir l'air d'un imbécile fini. Je me maudis intérieurement. Respire, Caz. Sérieusement, respire.
Elle me regarde quelques secondes, puis son expression se radoucit lentement.
— Merci, dit-elle doucement. Mon fils... Orion... Il ne sort presque plus de sa chambre. Aujourd'hui, il est descendu uniquement pour l'enterrement. Je ne sais plus quoi lui dire. J'ai peur... peur de le perdre aussi.
Sa voix se brise sur la dernière phrase. Elle détourne légèrement le visage, comme si elle refusait de me laisser voir à quel point ça la touche.
— Il traîne avec des garçons que je n'apprécie pas vraiment, reprend-elle après un court silence. Et il n'a pas beaucoup d'amis ici... Je suis soulagée que tu sois venu. Peut-être qu'il t'écoutera, toi.
Je hoche la tête sans vraiment savoir quoi répondre. Le poids de ses mots s'écrase contre moi. Derrière elle, des murmures s'élèvent du salon, entrecoupés de rires étouffés, maladroits, presque coupables. Des membres de la famille, sans doute. Des proches venus soutenir, se donner bonne conscience, ou simplement fuir le silence.
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𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄
Fanfiction✷ * ⋆ . ·˚ * . Dans une petite ville où tout le monde se connaît, la mort soudaine d'une adolescente vient briser le calme de l'hiver. Une enquête est ouverte, les regards se croisent, les soupçons s'installent, et le silence devient lourd de...
