𝟐𝟐 - 𝐅𝐢𝐧𝐢𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐫𝐞𝐥𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐦𝐢𝐞𝐮𝐱 𝐞𝐧 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐧𝐬𝐭𝐫𝐮𝐢𝐫𝐞 𝐮𝐧𝐞

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𝐒𝐔𝐙𝐀𝐍𝐄


Le problème avec les lendemains de bal, c'est qu'ils ne ressemblent jamais à ce qu'on nous vend dans les films. Pas de magie persistante, pas d'étoiles encore accrochées au plafond, pas de souvenirs dorés qui te donnent envie de sourire niaisement pendant trois jours. Juste la gueule de bois émotionnelle. Celle qui te tombe dessus sans prévenir, qui te colle aux côtes, qui te donne l'impression que ton cœur a fait une chute libre sans parachute et que personne n'a jugé utile de prévenir ton cerveau.

J'ai mal dormi. Évidemment. J'ai tourné dans mon lit pendant des heures, à fixer le plafond, à revoir la scène encore et encore comme une putain de rediffusion dont je n'arrivais pas à changer la chaîne. Le moment où j'ai cru que j'allais enfin avoir le courage. Le moment où j'ai cru que, peut-être, cette fois, ce serait différent. Le moment exact où Mari a posé doucement ses mains sur mes épaules, m'a regardée avec cette douceur qui me détruit à petit feu depuis des mois... et m'a repoussée. Pas violemment. Pas méchamment. Juste assez pour dire non.

Un non poli. Un non tendre. Le pire genre de non.

Alors ce matin, j'ai fui la maison. Littéralement. J'ai enfilé le premier sweat à ma portée, noué mes cheveux à l'arrache, ignoré mon reflet dans la glace qui me renvoyait l'image d'une version de moi trop fatiguée pour faire semblant. J'ai laissé un message vague à ma mère. Un truc du genre "je vais prendre l'air". Comme si l'air avait le moindre effet sur ce genre de douleur.

Mes pieds m'ont portée sans vraiment me demander mon avis jusqu'au café du père de Roselyn. C'est devenu un réflexe, cet endroit. Comme un point neutre au milieu de Raven Creek. Là où les drames se croisent sans jamais vraiment s'exploser à la figure, où les regards se perdent dans des tasses brûlantes, où les silences sont moins lourds parce qu'ils sont noyés dans le brouhaha des autres.

Quand je pousse la porte, la clochette tinte doucement. L'odeur du café me frappe immédiatement, chaude, rassurante, presque trop réconfortante pour mon état. J'ai l'impression d'entrer dans un endroit qui ne devrait pas exister pour quelqu'un comme moi aujourd'hui. À l'intérieur, la lumière est douce, filtrée par de grandes vitres légèrement embuées par le froid extérieur. Quelques habitués sont déjà installés, des gens seuls, des couples silencieux, un vieux monsieur qui lit son journal en buvant son expresso comme s'il n'avait plus que ça dans la vie.

Je m'approche du comptoir, commande un chocolat chaud sans réfléchir, et c'est là que je la vois.

Lake.

Assise seule à une table près de la fenêtre, les mains serrées autour d'une tasse déjà à moitié vide, le regard perdu dans la rue. Elle a l'air fatiguée. Pas la fatigue physique, pas celle qui vient d'une mauvaise nuit. Non. Cette fatigue-là, elle est plus profonde. Elle colle à la peau. Elle te mange de l'intérieur.

Je reste figée une seconde, surprise de la voir ici. Brielle n'est pas là. Et ça, déjà, c'est bizarre. Lake ne fait jamais rien sans Brielle. Elles sont comme un duo inséparable, une de ces amitiés si visibles qu'on pourrait croire qu'elles partagent le même cerveau.

J'hésite. Je pourrais faire demi-tour, récupérer mon chocolat, m'enfermer dans un coin, me noyer dans mes pensées sans parler à personne. J'excelle dans cette discipline. Mais quelque chose dans sa posture, dans ce vide qu'elle fixe sans vraiment le voir, me pousse à avancer.

Je m'approche lentement.

— Brielle est en retard ? je demande doucement.

Elle sursaute légèrement, lève la tête vers moi, et met une seconde à me reconnaître. Puis elle esquisse un sourire qui ne monte pas jusqu'à ses yeux.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant