𝐂𝐀𝐙𝐈𝐄𝐋
Six arrestations en une semaine. Pas mal pour un jeune lieutenant qui n'a même pas encore fêté ses vingt-quatre ans. Parfois, je me dis que je devrais être fier de moi — pas seulement « fier » dans le sens superficiel du terme, mais vraiment fier, du genre qui réchauffe le ventre et calme les angoisses nocturnes. Et pourtant, malgré cette fierté timide qui pulse quelque part sous mes côtes, j'ai toujours la sensation d'être un gamin qui tente de marcher avec les bottes trop grandes de ses parents. Grandir dans les bureaux de police, dans le bruit métallique des radios, dans l'odeur du café froid et des dépositions imprimées, ça laisse des traces. Allison West et Alexander Jones n'étaient pas seulement des figures d'autorité : ils étaient des montagnes, des silhouettes immenses dont l'ombre m'a longtemps effrayé autant qu'elle m'a protégé.
Et voilà que je suis là, à mon bureau du commissariat, en uniforme, les manches légèrement remontées parce que j'ai toujours trop chaud, une pile de dossiers devant moi qui menace de glisser à chaque respiration trop profonde. Je m'étire longuement, jusqu'à sentir ma nuque craquer, mes muscles protester, ma colonne vertébrale s'allonger comme si elle tentait de s'échapper de mon dos. La lumière artificielle me brûle les yeux — cette lumière blafarde qu'on retrouve dans chaque commissariat du pays, une lumière qui donne l'impression que le temps ne passe jamais vraiment ici. Mon ordinateur émet un petit bip, un mail clignote, mais je refuse d'y toucher pour l'instant. Je lève mon gobelet de café pour le porter à mes lèvres et... évidemment : vide. Une misère tiède au fond.
Je pousse un soupir dramatique qui fait vibrer la surface de mon bureau.
— Lieutenant West.
La voix est familière, légèrement rauque, un peu trop amusée pour annoncer une bonne nouvelle. Un gobelet fumant atterrit devant moi. Je relève la tête et je tombe sur Keith, un sourire qui ressemble plus à un bâillement mal déguisé qu'à un vrai rictus. Ses cernes pourraient soutenir une thèse entière à l'université.
— Je te voyais déjà lutter avec ton café mort-né, dit-il en s'asseyant à moitié sur mon bureau. Alors je me suis dit que je t'en devais bien un.
— Tu es officiellement mon sauveur, dis-je en récupérant le gobelet comme si c'était un trésor national. Je te revaudrai ça.
— Ouais. Tu dis toujours ça. Et tu m'as toujours pas payé le dernier déjeuner.
Je lève les yeux au ciel.
— C'était y'a trois semaines.
— Et ? T'as eu du temps pour devenir riche depuis.
Je lève mon café en signe de toast.
— Pour la peine, je te paierai un double cheese.
— Ah ! Là on parle.
Il observe un instant le bord de mon bureau, puis ses yeux se plissent.
— Ce soir, l'équipe veut sortir manger. Histoire de souffler un peu. Tu viens ?
Je prends une gorgée, savoure la chaleur qui me détend les épaules. L'idée est tentante. Vraiment tentante. Mais... j'ai d'autres plans. Des plans que j'attends depuis des semaines.
— Désolé, soufflé-je. J'ai déjà prévu quelque chose. Je pars avec Orion ce week-end.
— Ah. Dans ta ville natale, c'est ça ? Comment elle s'appelle déjà... ? River-something ?
— Raven Creek.
Keith cligne des yeux, l'air de fouiller dans sa mémoire.
— Ah ouais ! Ce village au bout du monde, avec trois maisons, des sapins et des loups ?
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𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄
Fanfiction✷ * ⋆ . ·˚ * . Dans une petite ville où tout le monde se connaît, la mort soudaine d'une adolescente vient briser le calme de l'hiver. Une enquête est ouverte, les regards se croisent, les soupçons s'installent, et le silence devient lourd de...
