𝐎𝐑𝐈𝐎𝐍
Sept jours.
Sept jours se sont écoulés depuis que le monde s'est arrêté. Depuis que la voix de la capitaine Han a traversé l'air, froide, professionnelle, irréelle. Cinq jours depuis que mon cœur s'est fendu sans bruit, sans cri, sans larmes.
« Lyra... Je suis désolée. »
Ces mots ne cessent de tourner dans ma tête. Ils s'échappent de mes souvenirs pour m'attaquer sans prévenir, au détour d'un battement de cils, dans l'obscurité de ma chambre, au fond de ma poitrine lorsque je crois respirer normalement. Ils sont plantés en moi comme une lame que personne ne peut retirer.
Aujourd'hui, on enterre ma sœur.
La maison est pleine. Trop pleine. Des voix murmurent derrière les murs, des pas résonnent dans l'escalier, des portes s'ouvrent et se ferment sans cesse. L'odeur du café flotte dans l'air, mêlée à celle du froid qui s'infiltre chaque fois que quelqu'un entre ou sort. Je reste assis sur mon lit, immobile, les coudes posés sur mes cuisses, le regard perdu dans le vide.
Je ne ressens rien. Ou plutôt... je ressens trop.
C'est comme si un brouillard épais s'était installé en moi. Tout est flou. Les sons me parviennent étouffés, les couleurs paraissent ternes, et même la douleur semble distante, irréelle, comme si elle appartenait à quelqu'un d'autre. Pourtant, sous cette couche de vide, quelque chose gronde. Une colère sourde, violente, prête à déferler. Une envie irrépressible de hurler, de frapper, de tout réduire en cendres.
Détruire le monde. Juste pour qu'il ressente un dixième de ce que je ressens.
Je n'ai parlé à personne depuis ce soir-là. Pas à mes parents. Pas à Mari. Pas même à William... le meilleur ami de Lyra. J'ai laissé Luc, Blair et Cameron rester avec moi hier après-midi. Ils ont parlé pour trois. Des souvenirs d'école. Des bêtises stupides. Des tentatives maladroites de me faire sourire. Je les ai laissés faire. Je n'ai pas bougé. Je n'ai pas réagi.
Je crois qu'ils ont compris que ce n'était pas contre eux.
Aujourd'hui, cela fait presque une semaine complète que Lyra est morte.
Dans moins d'une heure, nous partirons pour le cimetière.
Mes parents ne sont pas croyants, mais le pasteur a tout de même insisté pour diriger une courte cérémonie. Ici, dans cette ville paumée de l'Oregon coincée entre les montagnes et les forêts, les traditions ont encore la peau dure. Mes parents sont connus. Aimés. Les seuls dentistes dans un rayon de plusieurs kilomètres. Les gens nous saluaient toujours avec chaleur, avec cette familiarité propre aux petites villes.
Aujourd'hui, les sourires ont disparu.
Ils ont été remplacés par des regards lourds, compatissants. Des mains qui se posent sur une épaule. Des phrases toutes faites. Du genre qu'on dit quand on ne sait pas quoi dire.
« Toutes mes condoléances. »
« Elle était si jeune... »
« Vos parents doivent être dévastés. »
Je ne veux pas entendre ça.
Je me lève enfin et me dirige vers le miroir de ma chambre. Mon reflet me fait presque peur. J'ai l'air d'un étranger. Les traits tirés. Les cernes creusés. Les yeux vides. Un costume noir trop grand que mon père a sorti pour l'occasion. Une chemise sombre. Et cette cravate que je n'arrive pas à nouer.
Mes doigts tremblent.
Je recommence. Encore. Et encore. Le tissu glisse entre mes mains moites. Le nœud se défait. La cravate pend autour de mon cou, molle, ridicule. Une métaphore parfaite de ce que je suis devenu.
VOUS LISEZ
𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄
Fanfic✷ * ⋆ . ·˚ * . Dans une petite ville où tout le monde se connaît, la mort soudaine d'une adolescente vient briser le calme de l'hiver. Une enquête est ouverte, les regards se croisent, les soupçons s'installent, et le silence devient lourd de...
