𝟐𝟕 - 𝐒𝐡𝐚𝐩𝐞 𝐨𝐟 𝐲𝐨𝐮

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𝐎𝐑𝐈𝐎𝐍


On quitte la fête sans réellement annoncer notre départ. Caz me tire par la main à travers la nuit froide, son rire encore coincé dans la gorge, le genre de rire un peu nerveux, un peu euphorique, celui qu'on a quand on vient de survivre à quelque chose d'émotionnellement trop fort pour être digéré sur le moment. Derrière nous, la musique continue de vibrer dans la maison de Riley, étouffée par les murs et la distance, comme un monde parallèle que nous décidons de laisser derrière. L'air glacé me mord les joues, mais la chaleur de sa main dans la mienne m'empêche de frissonner. Je ne pense plus à rien d'autre qu'à cette sensation-là, simple et essentielle : avancer avec lui, s'éloigner du bruit, du regard des autres, de la pression, de tout ce qui cherche encore à nous rattraper.

— Tu fuis toujours les fêtes comme ça ou je suis un privilège VIP ? je lui lance en montant dans la voiture.

— T'es un privilège rare, répond-il en souriant de ce sourire qui me démonte toujours un peu plus le cœur.

Il démarre. Les lumières de Raven Creek défilent lentement sur le pare-brise, les guirlandes encore accrochées aux lampadaires dessinent des reflets bleutés et dorés sur ses traits. Je le regarde conduire, concentré, la mâchoire un peu crispée, et je me dis que même dans le plus banal des gestes, il est beau. Ridiculement beau. Dangereusement beau pour mon équilibre émotionnel.

— Tu regrettes d'être parti ? demande-t-il sans me regarder.

— Absolument pas.

C'est sorti sans détour, sans réfléchir. Il me jette un coup d'œil surpris, puis son expression s'adoucit.

— Même pas un peu pour la fête ?

— J'aurais regretté de rester si tu n'étais pas venu me chercher.

Il souffle doucement, comme si cette phrase venait de se poser quelque part en lui.

La route est presque vide. La neige reflète les réverbères. Bounty doit dormir profondément sur le canapé, la maison de Caz doit être silencieuse, endormie dans cette torpeur étrange qu'ont les maisons après une longue soirée. Et moi... moi je sens quelque chose changer dans ma poitrine à mesure qu'on s'en rapproche. Une tension différente de celle de la fête. Plus intime. Plus dangereuse aussi.

Quand on se gare devant chez lui, aucun de nous ne parle immédiatement. Le moteur est encore chaud, la radio murmure une chanson trop douce pour l'état dans lequel je suis. Il coupe enfin le contact.

— On est rentrés, dit-il inutilement.

— J'avais remarqué.

Il sourit, nerveux.

On descend. La nuit est silencieuse. La porte d'entrée est fermée, évidemment. Il cherche ses clés, fait tomber son trousseau, j'étouffe un rire.

— Grand moment de dignité.

— Tais-toi, je suis stressé.

— Tu stresses pour quoi exactement ? Je demande en passant ma main dans son dos pour le caresser délicatement.

Il fige. Me regarde. Et je sais. Je sais exactement ce qu'il ressent, parce que je le ressens aussi : ce mélange brûlant d'envie, de peur, de désir, d'attente, cette sensation que quelque chose est sur le point de se produire et qu'il sera impossible de faire semblant après. Je sais ce qu'il va se passer dès que nous aurons franchi cette porte et il le sait aussi, c'est pour ça qu'on est parti de la soirée.

Il ouvre enfin.

Dès que la porte se referme derrière nous, l'air change. Littéralement. Le silence est différent, plus dense, plus intime. Il n'y a plus la fête, plus la musique, plus personne. Juste nous. Nos manteaux encore sur les épaules. Nos souffles encore rapides.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant