𝟑𝟏 - 𝐌𝐚𝐧 𝐊𝐚𝐧𝐝𝐞

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𝐎𝐑𝐈𝐎𝐍

Quand j'ouvre les yeux, quelque chose ne va pas.

Ce n'est pas une douleur. Ce n'est pas un bruit. Ce n'est même pas un souvenir précis. C'est... une sensation. Un frisson glacé qui traverse mon corps de part en part, comme si l'air lui-même était devenu hostile pendant mon sommeil. Mon cœur bat un peu trop vite. Mes doigts sont crispés sur les draps. Et dans ma poitrine, ce poids familier, épais, collant, qui s'installe dès que la réalité s'apprête à me frapper.

Un pressentiment.

Comme si le malheur rôdait encore autour de nous, tapi dans l'ombre, prêt à surgir au moindre relâchement. Comme si, malgré tout ce qu'on a déjà encaissé, l'univers n'en avait toujours pas terminé avec nous.

Je reste immobilisé plusieurs secondes, allongé sur le dos, à fixer le plafond sans réellement le voir. La fatigue est là, lourde, écrasante. Pas celle du corps. Celle qui colle à l'âme. Celle qui s'infiltre partout, qui ne te quitte jamais vraiment. Je mets un instant à comprendre quel jour on est. Les heures se mélangent. Les nuits aussi. Depuis l'attaque au lycée, le temps a perdu toute logique.

Will.

Mon estomac se noue aussitôt. William Greene. Allongé dans un lit d'hôpital, plongé dans un coma artificiel, suspendu quelque part entre la vie et la mort. Hier après-midi, quelqu'un est entré dans le lycée. Une arme. Des coups de feu. La panique. Le chaos. Aucune caméra fonctionnelle. Aucun témoin. Juste le bruit sec des détonations qui a alerté tout le monde. Et quand les secours sont arrivés... c'était déjà trop tard pour parler, trop tôt pour mourir.

Le maire a décrété la fermeture temporaire de toutes les écoles de la ville. Une décision qui aurait dû être prise depuis bien longtemps. Mais la peur, elle, ne ferme jamais ses portes.

Et ce matin... ce matin, quelque chose cloche encore.

Je me tourne dans mon lit, à moitié machinalement, cherchant une présence qui devrait être là.

Caziel.

L'absence est immédiate. Violente. Le côté du lit est froid. Vide. Et ça me frappe plus fort que je ne l'aurais cru. Je m'étais habitué à sa chaleur, à son souffle irrégulier contre ma peau, à sa manière de bouger dans son sommeil, à ce demi-sourire qu'il esquisse parfois même en rêvant. Me réveiller sans lui, aujourd'hui, me donne l'impression qu'on m'a arraché un morceau de sécurité que je croyais acquis.

Will est devenu son demi-frère, à présent. Allison et Leander. Leur histoire est encore étrange à prononcer à voix haute, mais elle existe. Alors évidemment, Caz est à l'hôpital, avec sa mère. Pour soutenir Leander. Pour être là. Et le FBI, en parallèle, cherche à interroger tout le monde. L'affaire attire déjà des journalistes. Des caméras apparaissent dans notre ville comme des vautours autour d'un cadavre encore chaud.

Je me lève lentement, encore engourdi par le sommeil et par ce poids qui ne m'a pas quitté. Mes pieds touchent le sol froid, et je traîne mes pas jusqu'au rez-de-chaussée.

La maison est silencieuse.

Trop silencieuse.

D'habitude, ce genre de silence ne me dérange pas. J'ai grandi avec. Mes parents sont souvent absents. Les pièces vides, je connais. Mais aujourd'hui, ce silence a quelque chose de différent. Il pèse. Il écrase. Il me donne la désagréable sensation d'être seul dans un monde qui continue malgré moi.

Où est Caz ?

Un soupir m'échappe pendant que je gagne la cuisine. J'ouvre les placards les uns après les autres, attrape tout ce qui me tombe sous la main, sans réfléchir. Je réalise seulement en avalant ma première bouchée que je n'ai presque rien mangé depuis hier. Comme si mon corps avait décidé de se mettre en pause, en même temps que ma tête.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant