𝟖 - 𝐒𝐚𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐜𝐞𝐫

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𝐎𝐑𝐈𝐎𝐍

J'en étais à ma troisième bière quand Blair, assise en tailleur sur le canapé d'en face, m'annonça d'un ton hésitant que ma mère avait parlé à Cameron et Luc deux jours plus tôt. Pas pour prendre de leurs nouvelles. Pas pour leur demander comment ils allaient. Non. Pour leur dire clairement de ne plus s'approcher de moi.

Les mots mirent plusieurs secondes à atteindre mon cerveau. J'avais l'impression qu'ils ricochaient contre un mur invisible, quelque part derrière mes tempes. Je fronçai les sourcils, la bière en suspens à mi-chemin entre la table et mes lèvres.

— Sérieusement ? lâchai-je enfin, la voix déjà chargée d'une colère sourde.

Blair haussa les épaules, mal à l'aise, triturant l'ourlet de son pull.

— Ouais... Elle était vraiment froide. Elle a dit que tu avais besoin de calme, de distance. Que ce serait mieux pour toi.

Un rire amer m'échappa.

— Mieux pour moi... répétai-je en secouant la tête. Elle croit vraiment que me couper de tout le monde va arranger quoi que ce soit ?

Elle n'osa pas répondre.

Tout revenait toujours à la même chose. Toujours à elle. Toujours à Lyra. À son absence qui me broyait les côtes un peu plus chaque jour. À son rire que je n'entendrais plus jamais. À sa chambre restée intacte, comme un mausolée au fond de la maison.

Je bus une longue gorgée, plus pour étouffer ce qui hurlait en moi que par réel plaisir. L'alcool brûla ma gorge, mais je m'en moquai. À côté de moi, Caz n'avait pas bougé depuis le début de la soirée. Il était resté là, comme un point fixe dans ce chaos. Je ne comprenais toujours pas pourquoi. Pourquoi il s'accrochait ainsi à moi alors que je n'étais plus qu'un champ de ruines.

Pourtant... sa présence m'apaisait un peu. Il ne posait pas trop de questions. Il ne cherchait pas à me réparer. Il était juste là.

Je ne voulais plus penser à Lyra. Pas maintenant. Je tirai sur le joint que Luc m'avait tendu plus tôt. La fumée me piqua les yeux, embrasa mes poumons. L'espace d'un instant, la douleur se fit plus floue. Plus lointaine.

À ma surprise, Caz attrapa le joint à son tour.

— On dirait pas comme ça, mais j'ai déjà fait pire, annonça-t-il avant de tousser comme si ses poumons allaient rendre l'âme.

Je pouffai malgré moi.

— T'es pitoyable, soufflai-je.

Je souris sans vraiment m'en rendre compte.

À un moment, sa tête glissa doucement contre mon épaule. Le geste était simple, presque accidentel, mais il me fit l'effet d'un électrochoc. Je sentis la chaleur de son front à travers le tissu de mon sweat, la lenteur de sa respiration. C'était si naturel. Si... rassurant. Un contraste violent avec le chaos permanent dans ma tête.

Dans la pièce, Cameron et Luc parlaient à voix basse. Blair était repartie travailler au bar.

— J'ai vraiment pas envie de retourner au bahut demain, murmurai-je.

Caz releva la tête, ouvrit une nouvelle bière avec un pschitt paresseux.

— Vu notre état, je doute qu'on tienne debout en cours, répondit-il en m'en tendant une.

Je l'acceptai sans discuter.

Je sortis ensuite mon téléphone. L'écran s'illumina aussitôt, bombardé d'appels manqués, de messages de mes parents. Je ne lus rien. Je fis défiler mes photos. Soirées. Paysages. Sourires. Et puis... elle.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant