𝐎𝐑𝐈𝐎𝐍
Dans l'air flotte une odeur de sauce tomate qui a un peu accroché au fond du plat, de fromage fondu, de bois qui crépite dans la cheminée du salon en dessous, et, par-dessus tout ça, quelque chose de plus discret, plus intime, presque invisible. L'odeur de Caz. Un mélange de gel douche un peu trop sucré, de tabac froid qui colle à ses cheveux, et de ce truc que je n'arrive pas à définir mais que je reconnaîtrais entre mille, même les yeux fermés. C'est con, mais ça me rassure autant que ça me retourne le ventre.
Je suis allongé sur mon lit, le dos calé contre le mur, un oreiller enfoncé sous ma nuque, les jambes à moitié repliées, mais je suis incapable de trouver une position vraiment confortable. Mon corps a décidé de passer en mode veille active : épuisé mais incapable de s'éteindre. À côté de moi, il est là. Caz. Juste là. Dans mon lit. Dans MON espace. Le t-shirt Dark Vador que je lui ai prêté lui tombe presque jusqu'à mi-cuisse, trop large, trop long, le col un peu lâche qui glisse sur une de ses épaules et dévoile un bout de peau claire, lisse, éclairée par la lumière bleutée de mon écran d'ordinateur. Ses cheveux sont encore légèrement humides, en bataille contre l'oreiller.
Il est magnifique. Ça me rend dingue. Et terrifié. Et terriblement heureux. Les trois en même temps, ce qui est un combo assez explosif.
On parle à voix basse, dans ce murmure de fin de soirée qui donne l'impression qu'on est hors du temps, hors du monde, comme si le reste de la ville n'existait plus. On parle de tout et de rien, parce que c'est plus simple que d'affronter frontalement le vrai sujet : nous. Suz au bal avec Mari. Riley en costard pour Roselyn qu'il a enfin réussi à pécho. La tête que devait tirer le proviseur quand il a appris pour la bagarre. Le fait que ma mère a encore trop cuisiné "au cas où des gens passeraient", alors que personne ne passe vraiment depuis la mort de Lyra. Sa jambe qui le démange dans l'attelle, la neige dehors qui continue de tomber comme si le monde n'était pas déjà assez étouffé.
Chaque phrase est une excuse pour rester suspendus là, dans cet entre-deux fragile, comme si tant qu'on parlait, le reste ne pouvait pas nous atteindre. Comme si les mots faisaient office de barrière contre ce qui brûle trop fort entre nous.
— Tu dors ? je murmure, même si je sais très bien que non.
— Si je dormais, je ronflerais, réplique-t-il dans un souffle.
Je souris dans l'ombre, incapable de m'en empêcher.
Sa main est posée près de la mienne, à quelques centimètres à peine. Une distance ridicule. Indécente. J'ai conscience de cette frontière minuscule comme si c'était une ligne de feu tracée sur les draps. Mon bras entier est en alerte, tendu vers lui sans oser bouger, comme si un geste de trop risquait de déclencher l'apocalypse. C'est une électricité lente, sourde, qui part de mon épaule, glisse le long de mon flanc, vient se loger quelque part dans mon ventre.
— Orion..., souffle-t-il.
Il dit mon prénom comme on marche sur une corde raide. Avec prudence. Avec envie. Avec peur aussi. Je tourne la tête vers lui, les yeux déjà accrochés aux siens avant même de les avoir vraiment ouverts. Dans la pénombre, je distingue le reflet de sa pupille, le contour de sa bouche, la tension dans sa mâchoire.
— Qu'est-ce qu'il y a ? je demande, la voix un peu plus rauque que prévu.
Il ne répond pas tout de suite. Je vois sa gorge déglutir, sa pomme d'Adam bouger, j'entends sa respiration qui s'accélère d'un demi-ton. Puis il se rapproche, lentement, comme si chaque centimètre de gagné sur le matelas lui demandait un effort énorme. Nos souffles se mélangent. Je sens la chaleur de son visage, le léger parfum de son shampoing.
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𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄
Fanfiction✷ * ⋆ . ·˚ * . Dans une petite ville où tout le monde se connaît, la mort soudaine d'une adolescente vient briser le calme de l'hiver. Une enquête est ouverte, les regards se croisent, les soupçons s'installent, et le silence devient lourd de...
